ENS LSH - Colloque - Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne

Pour une histoire critique et citoyenne
Le cas de l’histoire franco-algérienne

20, 21, 22 juin 2006


BOUGHERARA Nassima

Université Stendhal-Grenoble 3

Les rapports franco-allemands à l’épreuve de la question algérienne (1955-1963) : l’installation et l’action des indépendantistes algériens en République fédérale d’Allemagne

Session thématique « France, guerre d’Algérie et enjeux internationaux »

Mercredi 21 juin 2006 - Matin - 9h-11h - Salle F 05

Résumé de la communication

Cette recherche spécifique s’élabore au croisement de plusieurs perspectives historiques et couvre la période des accords de Paris (1955) au traité de l’Élysée (1963). La politique de soutien pratiquée en Allemagne fédérale à l’égard de la Fédération de France du Front de libération nationale, de 1956 à 1962, et les implications qu’elle provoque sur l’évolution des rapports franco-allemands sont donc étudiées dans le contexte de la guerre froide, de la décolonisation et de la construction de l’Europe.

L’énoncé des sujets abordés dans cette étude contingente la réflexion sur le terrain de l’histoire politique qui privilégie la démarche discursive et narrative et s’efforce de révéler la trame complexe qui sous-tend les rapports de pouvoir et les conflits d’intérêts qui opposent des stratégies institutionnelles à des logiques de groupes de pressions. Soucieuse d’éviter de faire double emploi avec les études déjà effectuées, animée par le souci d’appréhender - au-delà du miroir - d’autres questions plus complexes dont certains documents étaient porteurs d’indices, j’ai délibérément privilégié l’exploitation des archives diplomatiques réservées. Incomplets et encombrants, ces documents trahissent par leur présence d’autres vides à combler et posent la question de leur emploi et de leur réajustement pour rendre possible une narration du réel. L’enregistrement et l’édition des documents imprimés offrent, par ailleurs, une version sélective et « diplomatiquement correcte » de ce qui fut. La documentation officielle renseigne alors sur le mode de fonctionnement des administrations concernées ainsi que sur leur fabrication de l’histoire. Celle « autorisée » - obtenue sous dérogation - me pose question : quelle histoire me permet-on, dans une certaine mesure, de fabriquer à mon tour et pourquoi ?

En 1955, les autorités fédérales ont rétabli les relations diplomatiques avec l’URSS, elles appliquent la doctrine « Hallstein » et ne souhaitent pas prendre officiellement position en faveur d’une Algérie française car elles craignent de voir les pays non-alignés, les États africains et arabes rejoindre l’URSS et reconnaître la RDA. L’aspiration à la réunification allemande et l’inquiétude de voir les forces alliées britanniques et américaines se désengager de l’Europe occidentale, accrue par celle d’une hégémonie soviétique sur le flanc sud de l’Europe, induisent les dirigeants allemands à développer des stratégies de consolidation de la construction européenne et d’élargissement de leurs sphères d’influence dans le monde. Ils optent pour une neutralité pragmatique à l’égard des autorités françaises et de « laisser-faire » face aux actions du FLN installé sur leur territoire, au cours de l’année 1957.

Les efforts de propagande et l’intense activité diplomatique du Quai d’Orsay que révèlent de nombreux documents, confirment un intérêt croissant pour la question algérienne. Ils traduisent le mécontentement grandissant et le désarroi de Paris face à l’internationalisation du conflit. Mais, le refus larvé de l’administration allemande de répondre aux injonctions françaises et la question difficile de la coopération franco-allemande en matière de défense nucléaire aggravent peu à peu le contentieux entre les deux États. Les témoignages et les documents le confirment, c’est sous couvert diplomatique et discrètement que les interventions allemandes ont lieu et que les actions sont contrôlées : c’est donc dans ce cadre que l’on s’interroge aussi sur l’enjeu que pouvait représenter une Algérie indépendante pour la RFA, sur les motivations et les perspectives des hommes politiques allemands, au tournant des années 1960, face aux réactions et aux interventions de l’État français. Quelle signification avait alors la politique allemande officielle dont la caractéristique principale semblait être celle de la réserve ? Quelles en étaient les implications ?

La politique franco-algérienne, « domaine réservé » du général de Gaulle et de son entourage très proche, prend un cours décisif à partir de 1958. Ce cours est déterminé par des enjeux qui semblent échapper aux indépendantistes eux-mêmes. Ils échappent aussi aux dirigeants allemands et déterminent les rapports franco-allemands dans les secteurs de la coopération économique, mais plus particulièrement dans les domaines de la Défense et de la recherche atomique. À partir de 1959, en France, le pouvoir raisonne selon deux perspectives : celle de la menace d’une confrontation nucléaire entre deux systèmes politiques et économiques antagonistes, d’une part, et celle du processus de décolonisation et d’indépendance généralisé, d’autre part. De nouvelles orientations se dessinent en politique étrangère qui se fixent pour objectif majeur de lever les obstacles anachroniques qui font barrage au recouvrement de la puissance française : il s’agit de régler la question du conflit algérien et de mettre fin à l’hostilité séculaire franco-allemande.

Publications

-  Les rapports franco-allemands à l’épreuve de la question algérienne (1955-1963), Berne, Peter Lang, (à paraître).

-  La coopération militaire atomique franco-allemande dans le contexte géopolitique et technologique de la guerre froide, K. Morgenroth et P. Vaiss (dir.), Berne, Peter Lang (Travaux interdisciplinaires et plurilingues en LEA),(à paraître).

-  « Wie wird das diplomatische Archiv zur Historie ? » (« De la mise en histoire des archives diplomatiques »), intervention au 38e symposium de l’Association des Germanistes de l’Enseignement supérieur, 18-20 mai 2005, Aachen, (à paraître).

-  « De l’accord de Colomb-Béchar, du protocole de Baden-Baden et du traité de l’Élysée : succès et échecs des initiatives françaises vers l’Allemagne », Allemagne d’aujourd’hui,162, octobre-décembre 2002, p. 28-48.

-  « Une Union européenne franco-allemande ? », entretien avec P. Frank, Allemagne d’aujourd’hui, 162, octobre-décembre 2002, p. 49-53.

-  « Assia Djebar, lauréate du Prix de la paix des libraires allemands : la langue de l’irréductibilité », Allemagne d’aujourd’hui, 155, janvier-mars 2001, p. 134-155.

-  « La vertu germanique outragée : une idée du chemin parcouru sur la voie de la vertu par l’opinion allemande de 1955 à 1963. De la rive gauche du Rhin, des diplomates français rapportent », 1900-2000 : cent ans de regards français sur l’Allemagne, colloque 10-11 mai 2001, CERAAC, document dactylographié.

-  « Relevé topographique d’une lecture allemande d’Assia Djebar », Chroniques allemandes, Assia Djebar en pays de langue allemande, CERAAC, Université Stendhal-Grenoble 3, 8, 2000, p. 73-89.

-  « Was ist Seelenmargarine ? Qu’est-ce que la margarine de l’âme ? La collection de la Berlinische Galerie à Grenoble - 20.06. - 1 .11 .1999 », in Berlin entre les deux guerres : une symbiose judéo-allemande ?, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 19-25.

-  avec Kleine Brigitte, « Auf den Spuren Assia Djebars - Cherchell - Frankfurt am Main », ZDF-Sendung/Aspekte, 6 octobre 2002, Arte/Metropolis, 22 octobre 2002 ; émission littéraire, « Sur les traces d’Assia Djebar », tournée à Paris, à Alger et à Cherchell, pour le compte de la chaîne de télévision allemande ZDF du 7 au 14 septembre 2002.

-  « Assia Djebar en Allemagne. Une passerelle euro-maghrébine », in El Watan Culture [1], I et II, 3-4 octobre 2000, p. 12.

-  « Assia Djebar : Prix de la paix à Francfort-sur-le-Main », El Watan Culture, 29 octobre 2000, p. 12.

-  « Oran, langue morte : de la mémoire affective et de l’Ailleurs », Cahiers d’Études Maghrébines. Zeitschrift für Studien zum Maghreb, hg. von Lucette Heller-Goldenberg, Université de Köln, 14, 2000, p. 90-96.

-  « Littérature algérienne au féminin », Cahiers d’Études Maghrébines. Zeitschrift für Studien zum Maghreb, hg. von Lucette Heller-Goldenberg, Université de Köln, 8, 1999, p. 63-68.

-  « Littérature algérienne au féminin », Mots.Les langages du politique, École normale supérieure de Fontenay- Saint-Cloud, Paris, 12, 1998, p. 115-118.

-  « Schlehweins Giraffe de Bernd Schirmer », Chroniques allemandes, Écriture comique. Écriture politique, CERAAC, Université Stendhal-Grenoble 3, 5, 1996, p. 9-14.

-  « Clichés et stéréotypes : l’Algérien vu par la presse allemande », Revue des langues étrangères, Université d’Alger, mars 1990.

-  « La politique culturelle national-socialiste à l’exemple du sort réservé aux collections d’art moderne », Revue des Langues étrangères, Université d’Alger, mars 1991.

-  en collaboration avec E. Oubouzar,« Das Germanistikstudium an der Universität Algier », GERMANISTIK IM MAGHREB. Tagungsbeiträge/20, Rabat, 30.10 bis 1.11.1989, Dokumentationen und Materialien, Herausgeber : Jochen Pleines, DAAD.

-  « Uber die Entwiclung der Kulturgeschichtsvorlesung an der germanistischen Abteilung Algier »,GERMANISTIK IM MAGHREB. Tagungsbeiträge/20, Rabat, 30.10 bis 1.11.1989, Dokumentationen und Materialien, Herausgeber : Jochen Pleines, DAAD.

-  « Algerien im Spiegel der Presse der BRD und der DDR (1962-1978) », GERMANISTIK IM MAGHREB. Tagungsbeiträge/20, Rabat, 30.10 bis 1.11.1989, Dokumentationen und Materialien, Herausgeber : Jochen Pleines, DAAD.

Notes

[1] El Watan, quotidien algérien, indépendant, publié en France et en Algérie.



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