ENS LSH - Colloque - Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne

Pour une histoire critique et citoyenne
Le cas de l’histoire franco-algérienne

20, 21, 22 juin 2006


BOZZO Anna

Université de Rome

Villes coloniales du Maghreb, entre histoire urbaine et histoire sociale : le cas de Constantine

Session thématique « Sociétés : scènes et acteurs »

Mardi 20 juin 2006 - Après-midi - 14h30-16h30 - Amphithéâtre

Résumé de la communication

Constantine est une ville unique, en raison de son site, de son histoire et de la tradition millénaire de son centre historique, qui en a fait de tout temps un pôle d’attraction pour son hinterland, et une capitale régionale ; De surcroît, cette ville a connu un destin à part pendant la période coloniale, en raison des circonstances de sa conquête d’abord et des stratégies de domination qu’ont exercées, de manière concurrentielle, et souvent conflictuelle, les autorités coloniales civiles et militaires. Mais c’est à travers la définition de sa spécificité que l’on parviendra à jeter des éclairages sur l’impact qu’a eu en général la colonisation sur d’autres villes d’Algérie et du Maghreb. Ce qui fera l’objet de cette communication est moins la consistance de ce patrimoine urbain, marqué profondément et de manière irréversible par l’urbanisme colonial, tel qu’on l’a hérité à l’heure actuelle, avec tous les problèmes que pose son impérative sauvegarde et réhabilitation, que l’épaisseur historique du vécu millénaire de cette ville, avec ses populations, ses notabilités traditionnelles, une histoire sociale strictement dépendante de ce cadre urbain tout à fait extraordinaire. Cette dimension sociale et humaine, comme partie constitutive et incontournable de la condition urbaine, est au cœur de notre regard sociohistorique sur Constantine comme phénomène urbain que ses derniers conquérants ont marqué et violé en profondeur, sans le détruire pour autant. Quoi qu’il en soit, le Rocher, en tant que cœur battant de la ville, n’a pas connu la décadence d’autres médinas, que le colonisateur a marginalisées, tout en les gardant sous contrôle policier, les vidant de leurs prérogatives économiques administratives et directionnelles pour transférer ces dernières dans des nouveaux quartiers modernes destinés aux Européens (les villeneuves) ; au contraire, le Rocher a gardé sa position centrale, confirmée par son développement radial ; quant à ses populations autochtones, elles ont été entraînées dans une progressive modernisation du tissu urbain. Celle-ci n’a pas été le fruit du hasard, mais l’effet de mesures adoptées par les autorités civiles, souvent contrecarrées par les militaires, pour répondre aux exigences d’installation des nouveaux occupants, qui se sont rajoutés, ce qui a favorisé l’émergence de l’individu-citoyen, et l’apprentissage d’une nouvelle sociabilité ; la société dans son ensemble a connu des transformations profondes, mais moins traumatiques qu’ailleurs, et s’est organisée par le bas, en empruntant de manière surprenante la vie associative dans le cadre de l’espace public refaçonné par le colonisateur, pour faire revivre l’ancienne tradition citadine. Et ce n’est pas un hasard si Constantine a été le centre d’un renouveau culturel et religieux qui a jeté les bases de l’élaboration d’une nouvelle identité algérienne s’inscrivant dans la modernité, mais n’ayant pas la France comme référent majeur.

Curriculum vitae

Historienne, professeur associé titularisé de l’Université italienne depuis 1985 , Anna Bozzo est membre de l’École Doctorale « Studi sul Vicino Oriente e Maghreb » de l’Université de Naples l’« Orientale » et enseigne l’Histoire de la civilisation arabo-islamique et l’Histoire de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient à l’Université de Rome (Faculté de Lettres et Philosophie, Département d’Études historiques, géographiques, anthropologiques) . L’essentiel de ses recherches est consacré à l’histoire de l’Algérie et du Maghreb, à l’essor du mouvement associatif et à la relation entre Islam et politique face à la colonisation française. (cf. Islam e laicità in Algeria, Roma, Istituto per l’Oriente, 1992 ). Membre associé du GSRL-CNRS-EPHE (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités), Paris ; visiting professor à l’EPHE en 1999-2000. Membre correspondant de la revue Confluences-Méditerranée depuis 1995. Membre individuel du REMDH (Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme). Depuis 1998, elle participe aux réunions de la Commission « Islam et Laïcité » à Paris.

Dernières publications

« Islam et citoyenneté en Algérie sous la IIIe République : logiques d’émancipation et contradictions coloniales (l’exemple des lois de 1901 et 1905) », in Le Choc colonial et l’islam. Les politiques religieuses des puissances coloniales en terres musulmanes, P.-J. Luizard (dir.), Paris, La Découverte, 2006, pp. 197-222. « Islam et Politique. Une longue histoire de méfiance », in La fracture coloniale. La société française au prisme de l’héritage colonial, P. Blanchard, N. Bancel et S. Lemaire (dir.), Paris, La Découverte, 2005, p. 75-82. « 1905 et le paradoxe algérien », in De la séparation des Églises et de l’État à l’avenir de la Laïcité. Les Entretiens d’Auxerre, J. Baubérot et M. Wieviorka (dir), Paris, Éditions de l’Aube, 2005, p. 17-27.



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