ENS LSH - Colloque - Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne

Pour une histoire critique et citoyenne
Le cas de l’histoire franco-algérienne

20, 21, 22 juin 2006


MEROUCHE Lemnouar

Université d’Alger

Difficultés d’une histoire critique de la période ottomane

Session thématique « Du beylik ottoman au pouvoir français »

Mardi 20 juin 2006 - Matin - 9h45-11h45 - Amphithéâtre

Résumé de la communication

La communication sera évoquée par le président de séance en l’absence de l’intervenant

Pratiquement monopole français pendant plus d’un siècle après 1830, l’histoire de l’Algérie ottomane n’a pas échappé à ce qu’on appelle aujourd’hui les conflits de mémoires. Le thème de « nid de pirates » qu’on croyait oublié dans les poubelles de l’histoire ressurgit à l’occasion des polémiques suscitées par la loi du 23 février 2005.

Plus fondamentalement et à quelques exceptions près, les travaux de caractère général sur cette période restent prisonniers des thèmes développés par l’historiographie française de l’époque coloniale. Le projet annoncé à l’indépendance de décoloniser l’histoire n’a pas porté ses fruits.

D’une part, loin de s’atteler à forger des instruments adéquats à la connaissance de la société et de son passé, on s’est souvent contenté de répondre au dénigrement colonialiste par une glorification du passé. D’autre part, les lacunes de formation scientifique, l’enfermement qui a prévalu depuis la guerre civile et la montée des courants xénophobes et irrationnels ont réduit considérablement les échanges scientifiques avec l’extérieur et handicapé gravement la recherche et l’enseignement. Certes on doit nuancer ce constat car quelques chercheurs novateurs ont continué à résister dans des conditions particulièrement éprouvantes. Il faut aussi saluer la parution à l’étranger et particulièrement en France de quelques ouvrages intéressants sur cette période, même s’ils traitent généralement de sujets étroits ou relatifs aux Européens qui vivaient à Alger - renégats, esclaves, marchands européens, etc.

Décoloniser l’histoire doit se comprendre comme un effort de sortir de certaines visions étriquées de l’époque coloniale et des effets qu’elles entraînent. Toute société doit s’approprier son histoire et porter un regard autonome, et de l’intérieur, sur son passé. Cette appropriation nécessaire serait un terrible appauvrissement et une grave régression si elle récusait l’échange enrichissant avec l’extérieur et en particulier l’apport combien précieux de chercheurs et de penseurs étrangers libérés de cette maladie universelle qu’est l’ethnocentrisme.

Il est vrai que le monopole colonial français sur l’histoire de l’Algérie continue à marquer de ses empreintes parfois négatives la recherche sur la période ottomane. Par exemple, on répète partout depuis plus d’un siècle que l’Algérie de cette époque a connu quatre systèmes successifs, les beylerbeys puis les pachas, etc. Il se trouve que tous les pachas d’Alger étaient des beylerbeys de 1552 à 1830. Beylerbey étant un poste de gouverneur de province et pacha un titre attribué à différents dignitaires dans l’empire ottoman - gouverneurs de province, généraux, amiraux, ministres, etc. Il n’y a pas d’équivoque ni de sujet de contestation là-dessus. Tous les documents officiels ottomans le prouvent et les ottomanistes le savent bien. Mais les auteurs d’ouvrages français les plus connus et les plus influents sur l’Algérie sous la domination turque ne connaissaient ni l’arabe ni le turc ottoman. Le thème du conflit permanent pour le pouvoir entre janissaires et corsaires a été critiqué récemment mais reste largement dominant dans les écrits de langue française. D’autres idées reçues sur l’immobilisme des secteurs économiques et sociaux - monnaie, prix, salaires, système de propriété - ont fait l’objet de quelques critiques dont l’écho reste très limité.

Curriculum vitae

-  Études secondaires à Tunis (1947-1951) et au Caire (1952-1954).

-  Licence d’histoire, Université du Caire, 1958.

-  Doctorat en Histoire, Paris Sorbonne, 1976.

Activités professionnelles

-  Membre de la rédaction du journal El Moudjahid à Tunis (1958-1962).

-  Directeur du journal El Moudjahid en langue arabe à Alger (1962-1965).

-  Traduction en arabe d’ouvrages, d’études et documents divers, Paris (1965-1974).

-  Maître-assistant à l’Université d’Alger, chargé de cours (histoire du monde arabe) (1975-1991).

-  Responsable du groupe de recherche « Évolution de la classe ouvrière en Algérie » à l’ONRS et à l’Institut de l’Organisation Arabe du Travail, l’ IAEORT, (1976-1986).

-  Membre du comité de rédaction de la revue Naqd (1991-2006).

Publications

Principaux travaux en langue française

-  L’évolution idéologique du Ba’th depuis sa fondation jusqu’à son arrivée au pouvoir en Syrie (1940-1963), thèse de doctorat en Histoire, Université Paris IV-Sorbonne, 1976.

-  « L’émergence de la notion de patrie en Algérie », Travaux sur la classe ouvrière dans le monde arabe, revue de l’IAEORT, 1, avril 1979, p. 1-28.

-  « Les origines de la classe ouvrière en Algérie », Dirâsât, revue en arabe de l’IAEORT, 2, p. 1-6.

-  « Les Berranis à l’époque ottomane et au début de l’occupation française », Dirâsât, revue en arabe de l’IAEORT, 3, p. 1-27.

-  « La guerre du Golfe dans les médias occidentaux », Naqd, 1, 1991, p. 37-51.

-  « Les fluctuations de la monnaie dans l’Algérie ottomane », in Mélanges Charles-Robert Ageron, Publications FTERSI, Zaghouan-Tunis, juillet 1996, t. 2, p. 609-630.

-  « L’ancien et le nouveau dans l’ouvrage de Mbarek al-Mili : “Histoire de l’Algérie dans les temps anciens et modernes” », in Parcours d’intellectuels maghrébins, A. Kadri (dir.), Paris, Karthala-Institut Maghreb-Europe, 1999, p. 193-201.

-  « Conjonctures intellectuelles et notions de groupe », Naqd, 14-15, 2001, p. 55-65.

-  Recherches sur l’Algérie à l’époque ottomane :

I. Monnaies, prix et revenus 1520-1830, Paris, Éditions Bouchène, 2002.

II. La Course entre histoire et mémoire (publication en cours).

III. Structures sociales et pouvoir politique (à paraître).



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