ENS LSH - Colloque - Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne

Pour une histoire critique et citoyenne
Le cas de l’histoire franco-algérienne

20, 21, 22 juin 2006


PITTI Laure

Cité nationale de l’histoire de l’immigration

Travailleurs algériens en France au XXe siècle

Session thématique « Migrations croisées »

Jeudi 22 juin 2006 - Matin - 9h-11h - Amphithéâtre

Résumé de la communication

La communication sera évoquée par le président de séance en l’absence de l’intervenante

Le travail est une des données majeures de l’histoire des processus d’émigration-immigration des Algériens en France - métropolitaine - au XXe siècle.

Si l’émigration, en premier lieu kabyle, débute dès avant 1914, c’est avec la Grande Guerre et la création d’un Service d’organisation des travailleurs coloniaux - SOTC -, en 1916, qu’elle prend une importance accrue. Près de 80 000 Algériens viennent alors travailler dans les usines de métropole, chargés de venir pallier le manque de bras, soit 35 % - la plus forte proportion - des travailleurs coloniaux alors enrégimentés sur le sol métropolitain. Soumis à un encadrement particulier, ils ne dépendaient pas des administrations du travail mais du ministère de la Guerre.

Bien qu’initialement limitée aux années 1916-1918, cette émigration de travail programmée, canalisée, constitua l’amorce d’un mouvement migratoire d’une plus grande ampleur dans les années 1920, puis les décennies suivantes, lié à la fois à la situation économique de l’Algérie et aux besoins de l’économie métropolitaine. On oppose souvent le mouvement dit de noria, caractéristique de l’émigration algérienne de l’entre-deux-guerres, faisant écho à une situation économique très vite noircie par la crise des années 1930 ; et le « deuxième âge », pour reprendre l’expression fondatrice d’Abdelmalek Sayad, qui lui succède avec les « Trente Glorieuses », où les contrastes s’accusent de part et d’autre de la Méditerranée. Certes, à une émigration quasi pendulaire, fortement concentrée dans les mines dès le début des années 1920, succède en 1945 une émigration numériquement incomparable qui, dans bien des secteurs au premier rang desquels la métallurgie, devient une composante structurelle de l’accroissement de la capacité productive en France métropolitaine.

On montrera cependant, en se focalisant plus particulièrement sur l’organisation du travail et la gestion de la main-d’œuvre dans les mines et la métallurgie, que le statut colonial des Algériens se combine avec des évolutions du travail - segmentation des postes et plus largement du marché du travail - en partie amorcées dès l’entre-deux-guerres, pour marquer une tendance durable de substitution - et de hiérarchisation - ethnico-professionnelle de la main-d’œuvre. À tel point durable qu’elle semble, par certains points, trouver des ramifications au-delà de l’indépendance algérienne, amenant ainsi à interroger l’idée d’un schème postcolonial dans la gestion de cette main-d’œuvre et à remettre en perspective les débats très contemporains sur les discriminations ethniques au travail.

Publications

-  « La main-d’œuvre algérienne dans l’automobile ou les oubliés de l’histoire » in Mémoires algériennes. Hommage à Abdelmalek Sayad, A. Kadri et G. Prévost (coord.), Paris, Syllepse, 2004, p. 61-73.

-  « Les “Nord-africains” à Renault au début des années 1950 : un cas d’école de gestion coloniale de la main-d’œuvre en métropole », Bulletin de l’IHTP, 83, 2004, p. 128-143.

-  « Renault, une “forteresse ouvrière” à l’épreuve de la guerre d’Algérie », Vingtième siècle, 83, 2004, p. 131-143.

-  « De la différenciation coloniale à la discrimination systémique ? La condition d’OS algérien à Renault, de la grille Parodi à la méthode Renault de qualification du travail (1945-1973) », La Revue de l’IRES, 46, 2004/3, p. 69-107.

-  « Ouvriers étrangers dans l’industrie automobile havraise. Les premiers temps de l’usine Renault de Sandouville (1965-1973) » in Migrants dans une ville portuaire : Le Havre (XVIe-XXIe siècles), J. Barzman, É. Saunier (éd.), Le Havre, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2005, p. 117-128.

-  « Catégorisations ethniques au travail. Un instrument de gestion différenciée de la main-d’œuvre », Histoire et mesure, 2005, 20 (3-4), dossier « Mesurer le travail », p. 69-101.

-  D’Alger à Billancourt. Ouvriers et militants algériens aux usines Renault, 1945-1975, Saint-Denis, Éditions Bouchène, 2006 (à paraître).



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