ENS LSH - Colloque - Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne

Pour une histoire critique et citoyenne
Le cas de l’histoire franco-algérienne

20, 21, 22 juin 2006


HAMMOUCHE Abdelhafid

Université Lumière-Lyon 2

Le débat sur la torture durant la guerre d’Algérie et l’engagement associatif comme indices d’une régénération de l’espace public (2000-2005)

Session thématique « Les traces de la guerre »

Mercredi 21 juin 2006 - Après-midi - 14h00-16h00 - Salle F 05

C’est par une approche sociologique que nous souhaitons interroger dans cette communication la mise en débat de la torture durant la guerre d’Algérie, et par elle celle de la colonisation, dans l’actualité récente afin de tenter d’éclairer l’enjeu que représente cette période historique dans l’établissement d’une mémoire collective[1].

Nous proposons, à partir de l’analyse d’un échantillon d’articles du journal Le Monde - de 2000 à 2005 -, de discuter l’hypothèse selon laquelle cette mise en débat est une tentative de régénération. Cette régénération est à entendre comme faisant suite à deux phases qui ont suivi la fin de la guerre d’Algérie et telles qu’elles apparaissent dans la chronologie proposée par Raphaëlle Branche[2]. La première, dans l’immédiat après-guerre, est consacrée à poursuivre le conflit et chacun s’affirme dans le retrait et le « chez soi » ; la deuxième est celle des tentatives d’apaisement pour « accepter et construire le passé »[3]. Cette troisième phase - celle de la régénération - prolonge la deuxième dans la mesure où la recherche d’apaisement prévaut encore. Mais elle s’en distingue par l’insistance dont font l’objet certains sujets comme la torture, considérée comme relativement taboue ou faisant partie des épisodes les plus enfouis de la colonisation. Cette phase se caractérise par une cristallisation sur les institutions comme l’armée en tant qu’elles incarnent le commun qui, par cette régénération, apparaît comme enjeu dans sa redéfinition.

La régénération est alors ce processus par lequel sont rendues publiques des pratiques et pour lesquelles sont attendues des condamnations - dans le débat ou sur le terrain juridique - à même d’assainir l’espace public[4]. Dans cette perspective, cet assainissement n’est pas une tentative de pacifier le débat mais un processus qui devrait permettre d’instaurer un véritable espace démocratique, c’est-à-dire permettant une conflictualité entre égaux. Il est en quelque sorte requis, pour se dégager des encombrements légués par la colonisation - comme la déconsidération du colonisé ou les traumatismes de la guerre - et pour permettre des repositionnements des différentes parties prenantes de l’épisode colonial - notamment les rapatriés, les harkis et les immigrés, puis des enfants de ces trois populations - et leur participation pleine et entière à la société française.

Cette régénération n’est pas pour autant le fait de ces derniers seuls mais bien à l’œuvre depuis l’engagement de multiples acteurs agissant pour certains depuis les années 1950 (militants politiques, historiens, journalistes, etc.). À certains égards, cette régénération est une poursuite de ces engagements et une recherche de justice et/ou de reconnaissance de leur bien-fondé. Elle contribue à modifier la structuration de l’espace public et se manifeste notamment dans les médias. Mais il serait réducteur de penser qu’elle ne se joue que sur cette scène. Les dynamiques propres à ces différentes parties prenantes y prennent une certaine part qu’il serait bien malaisé de mesurer. Néanmoins, pour ne pas se limiter à ce qui peut apparaître comme un simple épisode médiatique, il nous semble éclairant de compléter l’analyse des articles de presse par celle de l’évolution sinon de toutes les parties prenantes du moins de l’une d’entre elles. C’est à ce titre que nous évoquerons en guise de complément à l’analyse portant sur le débat de la torture celle du rapport à l’espace public des immigrés. Nous l’approcherons en nous intéressant à l’engagement associatif et ses transformations dans le temps depuis les années 1960 à aujourd’hui. Ces transformations de l’engagement dans l’espace public permettent d’apprécier comment peut être pensée, par un autre volet, cette régénération.

La première partie de ce qui suit est consacrée à l’analyse des articles relatifs à la torture. Dans la deuxième partie, nous affinons d’abord ce concept de régénération avant d’amorcer une ouverture sur l’analyse de l’évolution des positionnements des parties prenantes. Cet autre volet à peine esquissé concerne ici l’analyse des transformations de l’engagement associatif et donc de l’accès à l’espace public pour une des parties prenantes, les migrants et leurs enfants[5].

La torture durant la guerre d’Algérie dans l’actualité (2000-2005)

C’est à partir de l’analyse d’un échantillon non représentatif d’articles du journal Le Monde - de 2000 à 2005 -, complété par le livre relatif à l’enquête menée par Florence Beaugé, que nous allons discuter de la mise en débat de la torture durant la guerre d’Algérie[6]. La chronologie sommaire retenue ci-dessous ne rend pas compte de la place que prend ce thème pendant les six années mais permet de rappeler les principaux épisodes où il occupe une position assez centrale dans les médias. On donne quelques éléments de contexte comme par exemple la part que prend L’Humanité par l’appel de douze intellectuels pour la condamnation de la torture ou la campagne électorale d’avril 2002. Nous analysons ensuite cet épisode avec une attention particulière à ce qui a trait à l’armée en tant qu’institution avant d’expliciter ce que nous appelons la régénération de l’espace public.

La mise en débat : quelques repères chronologiques

C’est un article publié à la une du Monde, daté du 20 juin 2000, qui relance les débats sur la torture pendant la guerre d’Algérie[7]. Les réactions se multiplient au fil des jours et se prolongent jusqu’à la fin de la période retenue[8]. En effet, pendant les années 2000-2005 la torture est régulièrement évoquée dans le quotidien. D’abord en référence au témoignage de Louisette Ighilahriz et aux positions qu’adoptent les généraux mis en cause par elle, puis relativement à l’« appel des 12 », enfin par rapport à l’élection présidentielle de 2002 et au passé de Jean-Marie Le Pen candidat du deuxième tour. La torture, et plus largement la guerre d’Algérie, sont traitées soit spécifiquement soit mises en relation avec d’autres thèmes - l’immigration, les « banlieues », la colonisation, la loi du 23 février 2005, les discriminations à l’emploi et à l’accès au logement. Certains de ces thèmes constituent des permanences de l’actualité - l’immigration et la « banlieue » notamment sont fréquemment évoquées depuis les années 1970.

C’est donc, trente-huit ans après la fin de la guerre d’Algérie (1954-1962) que Florence Beaugé signe ce premier article du 20 juin 2000[9]. Elle expliquera par la suite, dans l’ouvrage qu’elle consacre à l’enquête menée sur la torture, comment elle prend contact avec une femme algérienne qui, en 1980, s’est adressée au journal dans l’espoir de retrouver le médecin militaire qui l’a sauvée[10]. La journaliste, récemment recrutée par le quotidien (janvier 2000) pour assurer la couverture des pays du Maghreb, recherche cette femme dont elle va recueillir le témoignage[11]. Cette Algérienne s’appelle Louisette Ighilahriz.

Ancienne militante indépendantiste arrêtée et torturée en 1957 à Alger, alors qu’elle était âgée de vingt ans, elle témoigne de ce qui s’est passé après son arrestation. Elle raconte les tortures et l’intervention du docteur Richaud qui l’a fait soigner et qu’elle recherche pour lui manifester sa gratitude. Elle décrit ce qu’elle a subi à l’état-major de la 10e division parachutiste et met en cause les généraux Jacques Massu - à l’époque investi des pouvoirs de police à Alger - et Marcel Bigeard. Ces derniers réagissent dans Le Monde du 22 juin 2000 : tandis que Marcel Bigeard qualifie de « tissu de mensonges » le récit de la militante algérienne, Jacques Massu exprime des regrets à l’égard de l’emploi de la torture. « Non, la torture n’est pas indispensable en temps de guerre, on pourrait très bien s’en passer. Quand je repense à l’Algérie, cela me désole, car cela faisait partie [...] d’une certaine ambiance. On aurait pu faire les choses autrement » dit-il. Ce premier article parait quelques jours après la visite d’État qu’a effectuée le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, entre le 14 et le 17 juin 2000. Celui-ci s’est rendu à Verdun pour rendre hommage aux vingt-six mille Algériens morts pour la France durant la Première Guerre mondiale[12].

Peu de temps après ce premier épisode, la publication, le 31 octobre 2000, par L’Humanité de l’appel lancé par 12 anciens militants de la cause algérienne qui demandent à l’État français de reconnaître les crimes commis et de s’en excuser, comme il l’a fait pour ceux de Vichy, relance le débat[13]. Cet appel a été signé par : Henri Alleg, ancien directeur d’Alger républicain, auteur de La Question ; Josette Audin, épouse de Maurice Audin universitaire assassiné après avoir été torturé en 1957 et dont le corps n’a jamais été retrouvé ; Simone de Bollardière, veuve du général Pâris de Bollardière, opposé à la torture et condamné à deux mois de forteresse ; Nicole Dreyfus, avocate de Baya Hocine et Djohor Akrou ; Noël Favrelière, rappelé, déserteur ; Gisèle Halimi, avocate de Djamila Boupacha ; Alban Liechti, rappelé, insoumis, puni de quatre ans de prison ; Madeleine Rebérioux, historienne, secrétaire du comité Audin ; Laurent Schwartz, mathématicien, président du comité Audin ; Germaine Tillion, ethnologue, résistante, auteur de L’Afrique bascule vers l’avenir ; Jean-Pierre Vernant, historien, résistant ; Pierre Vidal-Naquet, historien, auteur de La torture dans la République. Le 18 mai 2001, les signataires rendent public un second appel qui réitère leurs demandes après la publication du livre du général Paul Aussaresses. Celui-ci, en effet, suscite maintes réactions notamment depuis son entretien du 23 novembre 2000 et lors de la publication de son ouvrage en 2001[14]. Paul Aussaresses adopte, en effet, une position plus tranchée que celle de ses pairs : il assume clairement les tortures et n’éprouve aucune difficulté à rendre publique sa manière d’agir durant la guerre d’Algérie[15].

En 2002, en pleine période électorale, le débat sur la torture prend une tournure particulière avec des témoignages de Mohamed Cherif Moulay mettant en cause Jean-Marie Le Pen candidat au deuxième tour de l’élection présidentielle. Ce témoin a déjà raconté son histoire, en 1985, à un journaliste de Libération qui a publié son enquête en deux temps - le 12 février et le 20 mars 1985[16]. Libération avait été condamné à l’époque - après un procès gagné en première instance - alors que Le Monde va gagner en première puis en deuxième instance les procès qui lui sont intentés[17]. Enfin en 2005, c’est bien plus la mise en accusation depuis 2001 du général Maurice Schmitt qui continue de défrayer la chronique[18].

Outre les interviews accordées et les participations à des émissions de télévision ou de radio, les principaux acteurs de cette confrontation écrivent des ouvrages ou participent à des écrits collectifs. C’est le cas des généraux Jacques Massu[19], Marcel Bigeard[20], Paul Aussaresses[21], Maurice Schmitt[22], de Louisette Ighilahriz avec Anne Nivat[23], et de Mohamed Garne[24]. Ils s’expriment aussi, pour la plupart, dans les procès qui les impliquent et se succèdent tout au long de ces six années.

Cette période (2000-2005) présente des caractéristiques sur lesquelles nous reviendrons. Mais pour éviter d’entretenir l’idée que la dénonciation se limite à ces dernières années, il nous faut rappeler dans cette brève chronologie que plusieurs militants se sont élevés contre de telles pratiques ou plus largement contre la colonisation dès les années 1950 et que certains d’entre eux ont poursuivi leur action après la fin de la guerre d’Algérie. Il y eut, entre autres exemples, André Mandouze qui, dès 1947, écrit un article dans la revue Esprit[25]. Claude Bourdet, journaliste à L’Observateur, à son tour écrit un article le 6 décembre 1951 pour critiquer les méthodes de la police et de la justice en Algérie. Il y a bien sûr les livres d’Henri Alleg, de Pierre Vidal-Naquet et bien d’autres - comme ceux de Franz Fanon ou Albert Memmi[26] - qui contribuèrent à nourrir l’opposition à un tel cadre politique. Bien d’autres supports et à différentes périodes, comme par exemple le film de Bertrand Tavernier (La guerre sans nom) qui, en 1992, donnent la parole à des appelés de la guerre d’Algérie ou la diffusion en mars 2002 du documentaire de Patrick Rotman (L’ennemi intime) où d’anciens soldats avouent des actes de violence extrême, participent également de cette dénonciation. Mais outre ces divers temps de débat, il y eut sur le registre politique une succession d’interventions. On se contentera de rappeler qu’en 1999, le parlement a adopté une proposition de loi relative à la reconnaissance officielle de la « guerre d’Algérie » en lieu et place de l’« opération de maintien de l’ordre ». Il y eut également le procès de Maurice Papon où furent évoqués des événements comme la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 notamment avec le témoignage de plusieurs historiens[27].

L’armée comme institution : un enjeu pour instaurer du « commun »

Ce n’est ni la qualité des témoignages ni l’originalité des informations qui spécifient ces années 2000-2005. On l’a dit, la pratique de la torture durant la guerre était connue et avait déjà fait l’objet de témoignages et de débats. Dans cet épisode médiatique, l’institutionnalisation de la torture mais aussi les viols apparaissent plus clairement. La mise en cause de hauts gradés, et plus largement le niveau de responsabilité de ceux qui l’ont pratiquée ou cautionnée par leur autorité, se trouvent soulignés. C’est cette dimension qui atteste de l’institutionnalisation d’une telle pratique et assure à ces témoignages un retentissement particulier.

Celui-ci, pendant ces six années, varie. Il prend de l’ampleur en 2000-2001, avec le premier article et les réactions qu’il suscite, puis en 2002, dans la période des élections présidentielles, avec la mise en cause de Jean-Marie Le Pen en tant qu’ancien officier ayant pratiqué la torture. Mais ce sont surtout les prises de position divergentes des généraux qui suivent le témoignage de Louisette Ighilahriz et d’autres victimes qui constituent la spécificité d’un tel épisode. Ce n’est qu’en 2000-2001 que la divergence se révèle aussi clairement entre ces hauts gradés.

Les positions adoptées diffèrent nettement : il y a, pour le dire schématiquement, la reconnaissance assurée de Paul Aussaresses - « ni remords ni regrets[28] » -, les regrets de Jacques Massu, le déni de Marcel Bigeard et l’offensive de Maurice Schmitt[29]. Chacun de ces généraux a occupé des fonctions d’importance, soit durant la guerre d’Algérie, soit après comme le général Maurice Schmitt devenu chef d’état-major. Ces quatre généraux par les positions adoptées, montrent une fracture dans la même génération dans l’idée qu’ils se font des rapports franco-algériens. Certains, comme le général Maurice Schmitt, perpétuent les rapports d’opposition, quand d’autres, comme Jacques Massu, préconisent leur dépassement. Mais il faut ajouter que le fait que le témoignage déclencheur soit celui d’une femme, qui fut torturée et violée, participe aussi de ce retentissement. Les généraux incarnent, aux yeux des témoins et des journalistes, l’institution. Mieux encore, plusieurs témoins de l’époque, comme Louisette Ighilahriz, évoquent ces personnages et notamment Jacques Massu, comme l’incarnation de la France.

Cet épisode qui relance le débat sur la torture peut se lire par une double entrée : celle de la personne et celle de l’institution. Car c’est par l’évocation de la douloureuse situation qu’a connue cette femme que revient à la surface la question relative à la place prise par la torture au sein de l’armée. Les témoignages d’autres victimes directes ou indirectes, comme Mohamed Garne, illustrent cette part sensible. Mais par-delà la désignation nominative des tortionnaires, l’armée en tant qu’institution et l’État sont mis en accusation. Il y a d’abord une dimension institutionnelle, au sens d’une organisation réfléchie, qui est évoquée par le général Jacques Massu lorsqu’il parle des dispositifs spécifiques mis en place dès 1956 comme les DOP (dispositifs opérationnels de protection) et les CCI (centres de coordination inter-armées) qui sont de « véritables professionnels de la torture »[30].

On sait que la place de la torture évolue durant les huit ans de la guerre mais qu’elle s’inscrit dans la logique coloniale (1830-1962). Car c’est dans le cadre de la relation coloniale - structurée sur la base d’un rapport asymétrique entre le colonisateur et le colonisé - que la torture peut prospérer. Elle se développe « sur le terreau des rapports inégaux fourni par la situation coloniale » comme le souligne Raphaëlle Branche. « Elle exprime directement et corporellement un rapport de force ordinairement médiatisé que le déclenchement des hostilités fait basculer[31]. » Pour cet auteur, la torture prend place aux côtés d’autres violences non conventionnelles et s’installe grâce aux facilités fournies par une législation d’exception qui laissent progressivement les militaires maîtres du jeu. Elle signifie la puissance de la métropole par la toute puissance du tortionnaire. L’institutionnalisation de la torture accomplit d’une certaine manière la réification du colonisé avec des tortionnaires représentant l’ordre établi de la colonisation[32]. Elle se traduit par la confusion entre l’armée, la guerre et la colonisation. La mise en débat de la torture s’accompagne donc logiquement de celle de l’armée.

Elle devient en 2000 objet de débat public, en relation avec une autre institution qui est la justice lorsque sont intentés des procès pour diffamation, dans un cadre revendiqué d’état de droit. La presse ici, comme la justice, servent d’intermédiaire pour parler de la France à un supposé large public. Les débats peuvent être abrupts, les propos plus ou moins nuancés, mais il y a ou il peut y avoir controverse et débat. La visée explicite d’un certain nombre de témoins, comme Louisette Ighilahriz ou le sous-officier Raymond Cloarec, est la restauration de la vérité avec un propos qui se veut distancié. L’aspiration à la reconnaissance du témoignage, au débat qui s’ensuit, peut s’entendre comme la revendication de la dignité de la personne par la justice mais aussi par le débat démocratique. L’institution n’est plus, pour suivre la position adoptée par Louisette Ighilahriz, cette armée « intouchable. » Elle devient, par son témoignage même, l’objet d’une tension dans l’espace public. L’institution ne relève plus de la toute puissance et l’opinion publique semble plus ouverte, en 2000, au propos de l’Algérienne.

Bien sûr le rapport au temps intervient dans la manière dont chacun restitue les faits. Ce n’est pas seulement souligner la fragilité des souvenirs que de le rappeler. C’est aussi pointer l’évolution complexe de relations ayant pris naissance dans le contexte colonial globalement ou plus précisément au sein de l’armée. On le voit avec les témoignages, comme celui de Louisette Ighilahriz mais aussi de Raymond Cloarec, sous-officier durant la guerre et qui a maintenu le contact avec Maurice Schmitt son supérieur hiérarchique à l’époque. Pour la première, la narration publique de ce qui lui fut infligée en 1957 complique, en 2000, les relations avec les membres de sa famille mais aussi avec les autres anciens combattants du Front de Libération nationale (FLN) en Algérie[33]. Le second est tiraillé entre la volonté de maintenir le lien au titre des relations de subordination antérieures et la volonté d’être fidèle au devoir de vérité.

Ressorte de ces témoignages et de ces effets un double décalage entre l’événement vécu dans une dimension physiologique et psychologique par l’individu dans un contexte donné et la reconnaissance sociale du fait aujourd’hui. Le premier décalage se constitue lors de l’avènement de la torture, le second lors de sa reconsidération. En 1957, la torture est pratiquée dans un cadre institutionnel et politique et en même temps elle est officiellement niée. La dimension institutionnelle renvoie au délibéré, c’est-à-dire à ce qui est inscrit dans une organisation, un mode de faire au moins implicitement validé par des silences et des complicités de toutes sortes. C’est en ce sens qu’on peut convoquer l’institutionnel et le politique, en ce que les choses sont telles qu’elles bénéficient de fait des ressources d’une armée, d’une administration et d’une légitimation même implicite.

Certes, l’acceptation courante de cette pratique n’occulte pas les refus, même minoritaires. Mais ces refus ne prennent jamais l’ampleur d’une désobéissance comme celle qui s’est produite face aux putschistes d’avril 1961 - même si ce n’est pas comparable, il y a là une dérive à laquelle les troupes auraient pu également se laisser aller[34]. Le putsch était perçu comme une rupture avec le droit, et plus loin avec la Nation, alors que la torture, et même les viols évoqués par les témoignages récents, n’étaient pas vécus en tant que transgressions véritables. Les condamnations sont réservées pour d’autres questions alors que le silence est entendu comme un acquiescement. Car les colonisés sont pour certains de ceux qui torturent des « sous-hommes » comme le dit un soldat de l’époque[35]. Un autre, dans le documentaire de Patrick Rotman, L’ennemi intime, fait le rapprochement entre les photos pornographiques présentes dans les chambrées des soldats et la jouissance qu’éprouvent certains à commettre des barbaries. Il parle d’instrumentalisation des corps réduits à être les supports d’une toute puissance[36].

Le second décalage est celui que connaissent certaines victimes lorsqu’elles se voient reprocher de rappeler de tels événements. Mais ce faisant, elles font remonter dans l’espace public la déconsidération des corps et la réification propre au complexe colonial. Elles demandent ainsi une considération autre et une autre forme de relation avec la société française. Elles ne peuvent guère alors accepter que dans celle-ci ceux qui les ont torturés occupent les premières places ou prétendent le faire. Ces témoins disent leur amertume « de voir que Jean-Marie Le Pen a pu faire carrière, en dépit de son passé de tortionnaire »[37]. Les réactions de surprise de voir apparaître à l’écran le général Maurice Schmitt en qualité de chef d’état-major, notamment durant la guerre en Irak en 1991, relève du même étonnement[38].

La régénération : participer à l’espace public pour articuler passé et présent

Comment penser cet épisode du débat public sur la torture ? C’est ce que nous allons discuter en premier lieu avant d’esquisser un prolongement mais en même temps une ouverture sur d’autres aspects de cette régénération que ce qui en apparaît sur la seule scène médiatique. En effet, à défaut de questionner les processus à l’œuvre au sein des différentes « parties prenantes », nous approchons l’une d’entre elles - les immigrés et leurs enfants - par l’analyse des transformations du rapport à l’espace public qui participent également de la régénération.

Rechercher la condamnation de la torture en complexifiant les rapports franco-algériens

Ce retour d’une thématique d’abord centrée sur la torture puis ensuite sur la colonisation peut être situé dans ce que Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire appellent « la fracture coloniale »[39]. Les auteurs et les contributeurs qu’ils ont réunis y voient, au-delà des débats liés à l’immigration ou même à la politique étrangère de la France, le symptôme d’un « retour du refoulé ». Pour eux, « ce ressac » est bien plus qu’« une concurrence des mémoires », il touche « la France dans sa propre identité collective »[40]. D’autres, comme la journaliste Florence Beaugé se demande si « le temps de la catharsis est... venu ? »[41] Parmi les historiens, alors que pour Raphaëlle Branche « tout se passe comme si les grandes émotions de 2000 et 2001, animées d’une angoisse souterraine sur les responsabilités des Français partis combattre en Algérie, avaient été purgées par ce documentaire [L’Ennemi intime] qui avait apporté des réponses et des visages »[42], Claude Liauzu parle de « remontée du refoulé de la guerre d’Algérie »[43].

Parler de « régénération », ce n’est pas écarter l’idée d’un « retour du refoulé » ou celle d’une rupture par rapport à un silence équivalent à un déni. Ces dernières interprétations se fondent par rapport à la grille de la psychanalyse où se combinent le « conscient » et, en arrière-plan, l’inconscient avec une relation complexe entre les deux. Il est difficile avec pareil appareil conceptuel de saisir ce qui dans la vie sociale nourrit un tel processus. La régénération dont il est question se fonde sur des hypothèses relatives aux rapports de génération et au temps social. On peut en effet penser que le vieillissement des témoins de l’époque est un facteur important mais non suffisant. Cette dimension a été mise en relief pour évoquer d’autres épisodes historiques comme les « retours » relatifs à Vichy. Faut-il penser que le temps doive faire son œuvre ? Ce serait probablement accorder au facteur temps un poids excessif.

Car l’écoulement des jours et des années n’induit pas nécessairement des changements dans les rapports sociaux à même de permettre de discuter ce qui n’est pas discutable à un moment précédent. On peut penser que c’est bien plus l’évolution des rapports franco-algériens, tout aussi difficiles à saisir que l’inconscient, la permanence de la question de l’immigration par la banlieue et la place particulière qu’y occupent les migrants algériens et leurs enfants, qui conditionnent ces retours. Car, en France, la guerre d’Algérie est un épisode presque sans fin et dont le statut est ambigu. Une partie de la classe politique s’est structurée dès les années 1950 et jusqu’à aujourd’hui par les positions adoptées par rapport à la colonisation. Le rapport à cette guerre se nourrit régulièrement et différemment selon les phases que nous avons évoquées plus haut. Il y a eu bien sûr les travaux des historiens, comme ceux de Mohammed Harbi ou Benjamin Stora, qui ont récemment réactualisé le débat[44]. Il y a aussi les changements dans les rapports entre le pouvoir algérien et le pouvoir français[45].

Mais la présence des « Français musulmans » ou celle des enfants d’immigrés, la persistance de leur visibilité sociale, les divers débats sur des thèmes liés d’une manière ou d’une autre à l’« identité française » - comme la laïcité, le « foulard », la place de l’islam - contribuent probablement à déstabiliser les représentations. À certains égards, ces thèmes contiennent implicitement des marqueurs de distance et un clivage entre ceux qui sont situés par les commentateurs « dedans » et ceux qui sont « dehors » malgré leur présence ici en France. Cette forme de proche extériorité - visibilité physique et proximité culturelle incertaine - qui se répète depuis les années 1970 tend malgré tout à écarter les représentations les plus stéréotypées sur la France[46]. Il est bien difficile de cerner précisément ces modifications mais on peut faire l’hypothèse qu’elles facilitent la prise de parole des témoins et contribuent à leur donner de l’assurance.

Est-ce cette assurance qui engendre un propos articulant condamnation et refus de l’amalgame ? On peut en tout cas repérer dans bien des témoignages le souci de calibrer en soulignant d’une part ce qui relève de l’horreur et d’autre part en rappelant un épisode où se manifestent des attitudes humanistes ou des valeurs qui s’y réfèrent - avec le docteur Richaud par exemple. Les propos de ceux qui ont subi la torture ou les dérives criminelles de la guerre d’Algérie attestent d’une constance entre la volonté d’accuser et celle de manifester une considération respectueuse de la France. En effet, l’égale insistance de ces témoins pour limiter leur rejet à ces personnes et à leur pratique, tout en valorisant d’autres aspects de la France ou d’autres personnages, indique la recherche d’une mesure entre la condamnation attendue et le maintien du lien avec la France. La posture adoptée par les anciennes victimes tend à se définir par une forme d’articulation entre le passé convoqué, l’attente de justice contemporaine et une perspective d’un lien apuré avec la France. Cette posture et cette attente constituent d’autres caractéristiques de cette régénération. Elles se retrouvent dans le propos de celle par qui revient sur le devant de la scène médiatique la torture lorsqu’elle précise qu’elle veut obtenir « la justice par la vérité ». Elle ajoute :

Je ne demandais rien d’autre [...]. Plus que jamais aujourd’hui, je vois la France non pas à travers Massu et Bigeard, comme on nous a souvent, nous les Algériens, exhortés à le faire, mais à travers Richaud, le médecin plus que le militaire, un homme qui avait un profond respect du serment d’Hippocrate.[47]

Mohamed Garne dit d’une autre manière le lien lorsqu’il résume sa situation : « Je suis Français par le crime. Ma mère a été violée par des soldats français pendant la guerre d’Algérie. Je suis le fruit de ce viol[48]. » Il réclame la reconnaissance du préjudice subi et une pension en tant que victime de guerre souffrant de troubles psychiques[49]. D’autres propos peuvent être rapprochés de ceux-là. Il y a, par exemple, ces positions qui ne se réduisent ni au rejet de la relation avec la France ni à une adhésion simple. Ainsi Ahmed Bachali, ancien militant du FLN arrêté et torturé, qui souligne que son père, également torturé, avait obtenu en 1936 la nationalité française et qu’il avait imposé à ses enfants de la conserver après l’indépendance de l’Algérie. Le fils rapporte les propos du père pour justifier sa position : « Tu ne comprends pas, mais la France, c’est le pays de la modernité, de la liberté. Ne mets pas dans le même sac le peuple français et ceux qui ont sali son honneur. Un jour, tu comprendras[50]. » Le fils préside aujourd’hui l’association France-Algérie de Loire-Atlantique[51]. Il y a aussi cet homme qui, assumant son appartenance au FLN, rappelle avant d’être exécuté son ancienne participation à la défense de la France[52]. Comment comprendre ce lien avec la France et ce souci paradoxal d’accuser tout en calibrant et de maintenir une image positive dans les propos tels qu’ils sont rapportés ? Est-ce un reste de la colonisation et une forme d’acculturation interdisant une totale séparation d’avec l’ancienne métropole ?

Mieux condamner la colonisation pour instaurer un lien articulé

Cette articulation entre condamnation morale et reconnaissance humaniste - au sens de la gratitude exprimée par Louisette Ighilahriz - n’est sans doute pas inédite. Mais elle acquiert une nouvelle visibilité publique. On peut la mettre en relation avec d’autres expressions publiques qui, elles aussi, se forgent sur la base de cette articulation. C’est le cas avec Boualem Sansal, écrivain algérien, qui revendiquait en août 2001 sur France-Culture « ses bribes de langues maternelles - l’arabe, le français... » durant la colonisation. Ce propos, possible maintenant, dit autrement et autre chose de la colonisation et profile une autre position de l’écrivain - différente de celle de Mouloud Mammeri par exemple[53]. Le propos de Boualem Sansal laisse entendre une fécondation de l’imaginaire pas seulement orientée vers la revendication politique de l’émancipation.

Les témoignages recueillis par Daniel Pelligra pour son film consacré aux rapports enchevêtrés entre les deux rives s’inscrivent également dans cette logique pour dire l’aspiration d’un monde commun, avec l’établissement ou le rétablissement du lien mais aussi le difficile, voire l’impossible détachement aux représentations condamnées[54]. La condamnation du colonialisme apparaît dans de tels propos suffisamment affirmée et assurée pour autoriser d’autres expressions plus subjectives. On peut même penser que le rejet des institutions incarnant l’ordre colonial libère en quelque sorte la parole de ceux qui souhaitent alors évoquer affectivement la vie quotidienne et les rapports de voisinage dans un tel contexte. L’aspiration à dire le lien commun semble donc subordonnée à la condamnation globale de la colonisation et de la torture qui l’incarne. Cette condition réalisée se traduit par la place accordée à la subjectivité hybride générée par le cadre colonial ; place possible parce que l’exigence de la condamnation demeure mais sans être exclusive[55]. L’expression publique de cette subjectivité hybride atteste d’un espace pour l’expression des émois singuliers et d’un autre statut accordé à l’émotion. Cette singularité émotive, reflet d’un processus d’individuation dans l’affirmation d’une identité collective, fissure quelque peu le cadre de l’ordre officiel.

C’est sans doute dans cette perspective qu’il convient de situer cet épisode de la période 2000-2005 et ce qu’il révèle de la construction sociale de la mémoire collective. Celle-ci est un enjeu pour que se définissent les passés de ceux qui participent ou prétendent participer à l’espace public. Pour s’en tenir à la part que prend la torture dans cet enjeu, il est nécessaire de la resituer dans une chronologie - ce que nous faisons en partie en parlant de troisième phase, celle d’une régénération - car elle se situe par rapport à des processus relatifs à la recherche de reconnaissance des différentes parties prenantes de la relecture de cette guerre. Ces attentes de reconnaissance émanent des rapatriés, des harkis et des immigrés, puis des enfants de ces trois populations. Ces parties entretiennent entre elles et plus largement avec la société française une relation complexe en se situant plus ou moins manifestement de l’intérieur selon les périodes mais en dénonçant la position marginale qui leur est octroyée dans le débat et dans l’histoire. Le jeu de positionnements de ceux qui ont participé à cette guerre illustre cette complexité.

La définition de l’adversaire ou de l’ennemi se révèle comme un enjeu majeur : la reconnaissance par les mots est une forme de désignation lourde de significations. Ainsi le terme de « guerre » ne fut-il officiellement adopté qu’en 1999. Ce sont pour une large partie les tensions propres à chaque « camp » qui ont dominé la scène publique depuis l’indépendance. Il y eut les oppositions algéro-algériennes - la légitimation du pouvoir en Algérie par le monopole de l’histoire de la guerre d’indépendance - et les oppositions franco-françaises ne s’exprimant ni avec les mêmes visées ni par les mêmes formes.

L’enjeu actuel de la mémoire collective se caractérise par cette volonté d’articulation évoquée plus haut. Il s’agit de promouvoir une mémoire permettant de combiner rupture avec le passé colonial et continuité du lien avec la « métropole ». Loin donc de constituer une simple rupture avec le passé, le débat d’aujourd’hui inscrit en actualité les rapports qui se sont instaurés dans le cadre colonial. Ce retour peut s’interpréter comme une poursuite au double sens : celui d’une suite dans le temps - il s’agit alors de combattre l’oubli ; celui d’une demande de réparation dans l’enceinte judiciaire pour rétablir un statut digne et établir une nouvelle relation avec la société française.

Cette nouvelle configuration, avec donc de nouveaux rapports qui n’ignorent pas les anciens, passe par une cristallisation sur l’armée mise en accusation et l’État dont on attend la repentance avant une ouverture sur l’ensemble de la société française. Elle permet peut-être un processus de liaison par le dépassement certes en rendant visible de nouveau « les oppositions les plus brutales liées à l’existence du système colonial » mais aussi en soulignant « une complicité d’autant plus forte et plus profonde peut-être qu’elle reste communément inavouée et pour certains inavouable »[56].

Cet enjeu de mémoire collective prend d’autant plus d’importance que les migrants algériens et leurs enfants, parmi les parties prenantes, tendent à se repositionner par rapport à l’espace public.

Les repositionnements des migrants et de leurs enfants par l’engagement associatif

Trois exemples d’associations illustrent ce repositionnement depuis les années 1960 jusqu’à nos jours[57].

La première, présente dans la plupart des villes françaises accueillant de nombreux immigrés algériens, est l’Amicale des Algériens en Europe (AAE). Pour l’AAE, dans les années 1960, la relation de courroie de transmission qu’elle assure entre un pouvoir auréolé d’une indépendance fraîchement acquise et des migrants démunis des solidarités communautaires est valorisante pour ses militants. Elle agit en interface, d’abord avec l’administration consulaire, et éventuellement pour aider dans les démarches auprès des autorités françaises. Elle est, à l’instar du FLN et de toutes les organisations de masse, en position de monopole. L’unité est une exigence politique, d’autant qu’est rappelée, implicitement ou plus rarement explicitement, la fonction de représentation des migrants. Ceux-ci ne s’investissent guère dans la vie associative, sauf ceux qui en sont les militants - en fait des permanents - attitrés.

La relation, d’une certaine manière, est obligée si on veut obtenir quelques facilités d’accès aux services rendus en France ou en Algérie - pour faire accélérer l’obtention d’un acte de naissance par exemple. Les permanents sont des personnalités locales qui pèsent sur le choix des activités : dans certains cas, des activités culturelles, notamment en période de ramadan - concerts par exemple -, s’ajoutent aux activités sportives. C’est un engagement discret dans l’espace public, et au service d’une communauté à préserver - de la proximité ou de la confusion avec l’« autre » -, qui caractérise le militant de ce premier type d’association. Ces premiers militants contenaient l’accès à l’espace public pour le limiter à ce qu’impose une présence pensée comme temporaire.

La seconde association apparaît à la fin des années 1980. Elle est lyonnaise et se nomme Le NomadeS - dont l’adresse est précédée par un clin d’œil interculturel : « Chez Zoubida Gonzalès » - et affirme « chercher à dépassionner les confrontations interculturelles, en suscitant des actions et débats qui contribuent à faire le choix de l’intelligence, et de relations constructives », affichant un concept de croisement des « genres » et des origines. Le fondateur de l’association, enfant d’immigré ayant fréquenté quelques années l’AAE, fut durant plusieurs années également président de SOS Racisme au niveau régional. Pour ces militants il ne s’agit pas de maintenir en premier lieu le lien avec la communauté nationale du pays d’origine de leurs parents. Leur engagement se définit par rapport à la construction d’un autre mode de lien. La question de l’identité est déplacée : elle ne s’adresse pas seulement à l’enfant d’immigré mais à l’autre, prétendument semblable, à qui il est demandé de reconsidérer l’espace des origines. L’affirmation de l’identité culturelle entre Français de souche et enfants d’immigrés passe par cette redélimitation symbolique. Le registre culturel (concert de musique, expositions de peinture, débat, etc.), sur lequel se fonde l’action, se présente alors comme un espace où se négocie cette redélimitation.

La troisième association, AQK (Association du Quartier Kamarov), intervient, depuis la fin des années 1980, à Vénissieux dans le domaine du social, essentiellement pour le soutien scolaire, et secondairement l’animation et les loisirs. L’ancrage est territorial : sans passé, mais aussi sans véritables perspectives. Les militants connaissent une exposition majeure, car se différenciant de ceux qui investissent le même territoire - les autres jeunes - ils se heurtent à d’autres intérêts, à d’autres logiques. Ils apparaissent sans filiation, la référence aux cultures d’origine est tout à fait seconde, et s’autorisent de l’immédiat - l’histoire récente du quartier. Elle est à l’autre extrême - par opposition à l’usager de l’AAE. Pour certains, il faut prendre le risque de se distinguer, c’est-à-dire de se mettre en avant, et de se heurter, parfois violemment à ceux qui restent en marge. Le danger est physique et peut être conjuré par une extrême personnalisation (charisme, doigté relationnel). L’engagement se forge d’abord face aux semblables : soit pour affirmer et confirmer la différence de positionnement - entre les jeunes animateurs de l’association et les autres jeunes supposés en difficultés, voire délinquants. Le lien ne réfère plus à la mémoire culturelle et à la patrie lointaine des parents mais se fonde au titre de la proximité, avec les collatéraux et une distinction en termes de classe d’âge entre grands et petits frères.

Une lecture diachronique de l’histoire de l’émergence de ces trois associations et des formes d’engagement qui leur sont rattachées laisse entrevoir une double prise de distance : d’abord avec la communauté d’origine - et cela en se préservant de trop de proximité avec l’autre -, puis avec la communauté d’accueil - en prenant appui sur un lien de filiation. Les associations offrent un espace intermédiaire pour constituer un « nous » qui s’affirme plus ou moins conjoncturellement - en attendant le retour, pour dépasser les difficultés sociales - ou pour faire don de l’héritage - à partager. La mise à l’écart de la perspective du retour, mais aussi la contestation des adolescents, constituent un affaiblissement de cette pression du groupe qui agissait en protecteur. Les associations révèlent ici des jeux de préservation d’un « nous » conjoncturel (AAE), d’appropriation de soi (NomadeS), ou de personnalisation (AQK).

Dans ce dernier cas, le statut comme tout ce qui découle de la vie institutionnelle n’agit plus comme régulation et protection. La disparition ou l’affaiblissement de la référence à la communauté - villageoise et donc d’origine ou d’expérience avec les autres immigrés -, de fait, accroît l’exposition de chacun avec tous les dangers inhérents au statut d’étranger. C’est sans doute pour conjurer un tant soi peu ce danger que se construit parfois un engagement dans l’espace public avec des semblables de condition. On peut penser que l’alliance de ceux-ci, outre l’accès à l’espace public que cela permet, vise ou tente de préfigurer une mise en commun, au sens d’une recomposition de l’identité de tous. Mais les points d’appui, tels que nous les avons rapidement évoqués ici, montrent autant les ressources mobilisées que les jeux de différenciation. Les uns et les autres, personnes toujours ou encore étrangères, prennent position dans un espace public français où la filiation s’interroge d’autant moins qu’elle est symboliquement supposée commune.

C’est par la mise en avant d’une histoire personnelle, avec la part de souffrance et les effets psychologiques engendrés dans le temps par la torture, suivi par d’autres témoignages de ce type que se trouve mise en accusation l’armée française. Celle-ci incarne avec de telles pratiques d’une part l’institution par laquelle s’affirme l’ordre colonial et d’autre part la réification du colonisé inhérente à un tel cadre politique. La mise en accusation puis les prises de position des plus hauts gradés spécifient les débats de ces années 2000-2005. C’est en effet la première fois que la torture est reconnue à ce niveau et c’est aussi une des premières fois que s’expriment publiquement des divergences de la part de ces responsables de premier plan. Mais ce processus de mise en accusation ne révèle pas seulement des tensions propres à l’espace intérieur que constitue la société française. Il est certes le fruit des efforts des militants, des historiens et des journalistes. Mais il implique tout aussi fortement des Algériens vivant en Algérie ou vivant en France et, pour certains d’entre eux, de nationalité française. Ceux-ci manifestent constamment le souci d’articuler ensemble la condamnation de la torture et des tortionnaires et la considération des valeurs humanistes de ceux qui les ont aidés. Cet épisode se caractérise donc également par la volonté de dénouer la relation coloniale sans rompre. Ce dénouement passe par la publicité de cet enfoui qu’est la torture et nous proposons de l’interpréter comme un processus de régénération.

Par celui-ci se façonne un débat public à même de permettre la condamnation des déconsidérations et d’assainir ainsi l’espace public encombré des classements symboliques au principe du racisme et des discriminations. Cette régénération peut s’entendre comme un temps où se joue le passage d’une génération à une autre mais aussi comme une phase où s’affirme le passage d’un lien clivé à un lien articulé. C’est donc une suite historique mais avec une reconsidération. Il ne s’agit pas de poursuivre les formes de relations antérieures à 1962 ni de les ignorer. C’est le maintien d’une histoire et en ce sens il y a continuité mais c’est aussi une rupture dans la mesure où la décolonisation formelle tend à être complétée par une relative décolonisation des mentalités qui est loin d’être achevée. Car il ne faut pas pour autant ignorer que, dans une telle configuration, perdurent des positions nostalgiques des ex-partisans de la colonisation, notamment dans les rangs de l’extrême droite. Mais plus largement, les repositionnements accompagnant ce passage au lien articulé ne suscitent pas les mêmes dynamiques pour toutes les parties concernées - comme les harkis ou les enfants d’immigrés ou de rapatriés - en France mais aussi en Algérie. On le voit par l’exemple de trois types d’association réunissant des immigrés ou des enfants d’immigrés. La première, dans les années 1960 notamment, favorisait l’entretien du lien à distance avec le pays et limitait les risques de dispersion. Avec la deuxième, on entrevoit comment la question de l’origine se donne à entendre en partage pour redéfinir la société française. Avec la troisième, la question de l’origine devient lointaine pour laisser place à des préoccupations sociales.


[1] Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire. Paris : Albin Michel, 1994.

[2] Raphaëlle Branche, La guerre d’Algérie : une histoire apaisée ? Paris : Seuil, 2005.

[3Ibid., p. 15.

[4] Entendu à la suite de Jürgen Habermas comme un espace immatériel de débats par lesquels se dégagent les orientations d’une société. Voir Jürgen Habermas, L’espace public. Paris : Payot, 1978.

[5] À partir de données saisies lors de recherches précédentes, menées de 1997 à 2004, et portant sur l’engagement associatif notamment dans les associations liées à l’immigration dans les régions lyonnaises et stéphanoises.

[6] Les articles retenus concernent, en 2000, le témoignage de Louisette Ighilahriz par qui est relancé le débat, ainsi que les réactions qu’il suscite. Il y a ensuite en 2001 la réaction de la fille du général Paul Aussaresses, puis en 2002 l’histoire de cet homme né d’un viol et l’« affaire du poignard » impliquant Jean-Marie Le Pen. Les articles de 2005 concernent d’abord le général Maurice Schmitt ancien chef d’état-major des armées. Les autres articles de cette année donnent une idée des prises de position d’intellectuels et illustrent la variété de sujets « connexes ». Voir Le Monde : 20 juin 2000, 22 juin 2000, 23 novembre 2000, 18 mai 2001, 24 novembre 2001, 4 mai 2002, 19 mars 2005, 22 mars 2005, 17 mai 2005, 10 septembre 2005, 9 décembre 2005, 14 décembre 2005.

[7] Voir pour une chronologie plus complète le site « Les droits de l’homme », et notamment l’article du 26 avril 2001 (site visité le 11 avril 2007).

[8] C’est ainsi que France-Info reprend le sujet le 20 juin 2000 et le passe en boucle alors que Le Journal du dimanche publie le 25 juin 2000 une interview de Paul Aussaresses. La plupart des journaux, les radios, les différentes chaînes de télévision évoquent à un moment ou à un autre par la suite ce thème.

[9] Florence Beaugé, « Torturée par l’armée française, “Lila” recherche l’homme qui l’a sauvée », Le Monde, 20 juin 2000.

[10] F. Beaugé, Algérie une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête. Paris : Calmann-Lévy, 2005, p. 7-22.

[11] Florence Beaugé a travaillé, avant son entrée au Monde, quinze ans à Radio Monte-Carlo sur le Proche-Orient et le conflit israélo-palestinien, puis au Monde Diplomatique d’où elle a démissionné fin 1999.

[12] Il est prévu « un monument aux soldats musulmans » qui devrait être inauguré à Douaumont en juin 2006. Voir Benoît Hopquin, « Verdun, lieu de mémoire musulman », Le Monde, 22 février 2006.

[13] « Appel à la condamnation de la torture durant la guerre d’Algérie : des deux côtés de la Méditerranée, la mémoire française et la mémoire algérienne resteront hantées par les horreurs qui ont marqué la guerre d’Algérie tant que la vérité n’aura pas été dite et reconnue. Ce travail de mémoire appartient à chacun des deux peuples et aux communautés, de quelle qu’origine que ce soit, qui ont cruellement souffert de cette tragédie dont les autorités françaises portent la responsabilité essentielle en raison de leur obstination à refuser aux Algériens leur émancipation. Aujourd’hui, il est possible de promouvoir une démarche de vérité qui ne laisse rien dans l’ombre. En France, le nouveau témoignage d’une Algérienne, publié dans la presse, qui met en accusation la torture, ne peut rester sans suite ni sanction. Le silence officiel serait ajouter au crime de l’époque une faute d’aujourd’hui. En Algérie, se dessine la mise en cause de pratiques condamnables datant de la guerre et surtout lui ayant survécu commises au nom de situations où “tout serait permis”. Il reste que la torture, mal absolu, pratiquée de façon systématique par une “armée de la République” et couverte en haut lieu à Paris, a été le fruit empoisonné de la colonisation et de la guerre, l’expression de la volonté du dominateur de réduire par tous les moyens la résistance du dominé. Avec cette mise à jour il ne s’agit pas seulement de vérité historique, mais aussi de l’avenir des générations issues des diverses communautés qui vivent avec ce poids, cette culpabilité et ce non-dit.
Pour nous, citoyens français auxquels importe le destin partagé des deux peuples et le sens universel de la justice, pour nous qui avons combattu la torture sans être aveugles aux autres pratiques, il revient à la France, eu égard à ses responsabilités, de condamner la torture qui a été entreprise en son nom durant la guerre d’Algérie. Il en va du devoir de mémoire auquel la France se dit justement attachée et qui ne devrait connaître aucune discrimination d’époque et de lieu. Dans cet esprit, et dans cet esprit seulement, tourné vers un rapprochement des personnes et des communautés et non vers l’exacerbation de leurs antagonismes, nous demandons à M. Jacques Chirac, président de la République, et à M. Lionel Jospin, Premier ministre, de condamner ces pratiques par une déclaration publique. Et, nous invitons les témoins, les citoyens à s’exprimer sur cette question qui met en jeu leur humanité. »

[14] « Torture en Algérie : l’aveu des généraux », Le Monde, 23 novembre 2000 ; Paul Aussaresses, Services spéciaux, Algérie 1955-1957. Paris : Perrin, 2001.

[15] Voir, à titre d’exemple, cet extrait de l’article de Franck Johannès, Le Monde du 27 novembre 2001, rendant compte du procès qui a été attenté contre Paul Aussaresses pour « complicité d’apologie de crimes de guerre » : « Après le massacre d’El-Halia, il a soixante prisonniers sur les bras. “J’ai été obligé de passer les ordres moi-même. J’étais indifférent : il fallait les tuer, c’est tout, et je l’ai fait.” Une semaine plus tard, il en abat une centaine d’autres. Entre deux carnages, il casse les grèves par la force, casse la figure du serveur du mess qui refuse de lui passer un plat. Il tue, à longueur de journées et de nuits - “j’étais le chef d’orchestre de la contre-terreur”- , et emmène les suspects à la villa des Tourelles, dans la banlieue d’Alger. “Le cas de ceux qui entraient aux Tourelles était considéré comme assez grave pour qu’ils n’en sortent pas vivants.” »

[16] Voir les différents épisodes, depuis 1957, concernant Jean-Marie Le Pen et tels que les restitue Raphaëlle Branche, La guerre d’Algérie..., op. cit., p. 68-71. Les premiers articles de presse publiés par Rouge à l’occasion d’une campagne présidentielle datent de 1974.

[17] Jean-Marie Le Pen ensuite est débouté de son pourvoi en cassation.

[18] Le général Maurice Schmitt est « l’un des plus hauts gradés de l’armée française, général d’armée - cinq étoiles -, chef d’état-major des armées de 1987 à 1991. Le lieutenant qui dirigeait les interrogatoires à l’école Sarouy, l’été 1957, c’est lui. » F. Beaugé, Algérie une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête, op. cit., p. 242. Il accuse, le 6 mars 2002 lors de l’émission Culture et Dépendance présentée par Franz-Olivier Giesbert sur France 3, Louisette Ighilahriz de produire un « tissu d’affabulations et de contre-vérités » dans son livre. En 2004, H. G. Esmeralda publie son témoignage (Un été en enfer. Barbarie à la française. Témoignage sur la généralisation de la torture, Algérie, 1957. Paris : Exils, 2004) où se trouve impliqué le général.

[19] Jacques Massu, La vraie bataille d’Alger. Paris : Le Rocher, 1997 (1re édition : 1971).

[20] Marcel Bigeard, Aucune bête au monde. Paris : Grancher, 2000.

[21] Paul Aussaresses, Services spéciaux, Algérie 1955-1957. Paris : Perrin, 2001.

[22] Maurice Schmitt, Alger, été 1957, une victoire sur le terrorisme et Le livre blanc de l’armée française, Paris : L’Harmattan, 2002.

[23] Louisette Ighilahriz et Anne Nivat, Algérienne. Paris : Fayard - Calmann-Lévy, 2001.

[24] Mohamed Garne, Lettre ouverte à ce père qui pourrait être vous. Paris : Lattès, 2005.

[25] André Mandouze, « Impossibilités algériennes ou le mythe des trois départements », Esprit, juillet 1947, cité par F. Beaugé, Algérie une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête, op. cit., p. 73.

[26] Frantz Fanon, Peau noire masques blancs. Paris : Seuil, 1952 ; Albert Memmi, Portrait du colonisé. Portrait du colonisateur. Paris : Gallimard, 1985.

[27] Cette manifestation organisée par le Front de Libération nationale eut lieu à Paris ; la répression a fait des centaines de victimes. Voir Jean-Luc Einaudi, Octobre 1961. Un massacre à Paris. Paris : Fayard, 2001.

[28] F. Beaugé, Algérie une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête, op. cit., p. 115.

[29] « Torture en Algérie : l’aveu des généraux », Le Monde, 23 novembre 2000.

[30] F. Beaugé, Algérie une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête, op. cit., p. 128.

[31] R. Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie 1954-1962. Paris : Gallimard, 2001, p. 14.

[32] F. Fanon le dit autrement : « C’est le colon qui a “fait” et qui “continue à faire” le colonisé. » (C’est Fanon qui souligne), in F. Fanon, Les damnés de la terre. Paris : Maspéro, 1968, p. 6.

[33] « Louisette ne pouvait pas parler du viol tant que ses parents étaient vivants » dit une participante algérienne au colloque « Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne », École normale supérieure Lettres et sciences humaines, Lyon, 20-22 juin 2006.

[34] Les généraux André Zeller, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et Maurice Challe commettent un coup d’État le 21 avril 1961, qui prendra fin quelques jours après.

[35Le Monde, 12 octobre 2001.

[36] Diffusé sur France 3 dans la semaine du 4 au 8 mars 2002.

[37] F. Beaugé, Algérie une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête, op. cit., p. 202.

[38Ibid., p. 257.

[39] Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire (dir.), La fracture coloniale. La société française au prisme de l’héritage colonial. Paris : La Découverte, 2005.

[40] P. Blanchard, N. Bancel et S. Lemaire (dir.), La fracture coloniale..., op. cit., p. 10.

[41] F. Beaugé, Algérie une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête, op. cit., p. 142.

[42] R. Branche, La guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, op. cit., p. 53.

[43] Claude Liauzu, « Interrogations sur l’histoire française de la colonisation », Genèses, mars 2002, n° 46, p. 44-59, cité dans R. Branche, La guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, op. cit., p. 71.

[44] Mohammed Harbi et Benjamin Stora (dir.), La Guerre d’Algérie. 1954-2004 la fin de l’amnésie. Paris : Laffont, 2004.

[45] Comme les tensions découlant des demandes adressées par le gouvernement algérien au gouvernement français durant les années 1990, pour obtenir divers soutiens, notamment la vente d’armes ou la lutte en France contre ceux qui étaient soupçonnés d’apporter leur aide au Groupe islamique armé (GIA). Des parallèles ont été faits entre les actes sanguinaires de cette époque et la torture pendant la guerre d’indépendance.

[46] Même si, à bien des égards, le fils du migrant, plus que la fille, tient une fonction de fixateur de l’identité dans un processus de repositionnement où se joue la confirmation du lien mais par le rétablissement d’une relation symétrique - le lien ne peut pas être dans la continuité du rapport colonial.

[47] F. Beaugé, Algérie une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête, op. cit., p. 63.

[48Ibid., p. 79.

[49] Il obtient la nationalité française en 1996.

[50] F. Beaugé, « Ne mets pas dans le même sac le peuple français », Le Monde, 19 mars 2005.

[51] F. Beaugé, Algérie une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête, op. cit., p. 265. Des primo migrants tiennent des propos similaires lorsqu’ils parlent de « vrais Français » qu’ils opposent aux « pieds-noirs ».

[52Ibid., p. 287.

[53] Où le roman, par exemple celui de Mouloud Mammeri, La colline oubliée (Paris : Gallimard, 1952), participe de l’affirmation symbolique d’un espace national et d’une culture propres revendiqués. Le récit permet de mettre en relief un village kabyle et sa communauté, avec son rythme paisible et ses rapports de proximité. Voir notre article « Le roman, le défilé et le youyou », Hommes & Migrations, mai-juin 2001, n° 1231, p. 38-46.

[54] Daniel Pelligra, Après l’été. Ici, là-bas et retours : témoignage, 2004 ; documentaire de sept heures en trois parties auquel nous avons participé (première partie : Témoigner, commémorer, transmettre ; deuxième partie : J’appartiens à cette terre ; troisième partie : Déserts, désirs), filmé par Daniel Pelligra, monté par Sandra Hitouche, produit par : Coup de Soleil, Peuplement et Migrations, Prysm’Images.

[55] L’article 4 de la loi du 23 février 2005 sur « le rôle positif de la colonisation », qui devrait être supprimé suite à la contestation dont il a fait l’objet et à la décision prise par le président de la République en février 2006, rappelle qu’il y a d’autres attentes que celle de la condamnation. Certaines associations dans le Sud de la France ont tenté d’ériger des monuments.

[56] Pierre Bourdieu, « L’unité de l’Algérie », Manière de voir, avril-mai 2006, n° 86, p. 74-76.

[57] L’histoire de ces trois associations, sélectionnée chacune en tant que forme idéal-typique, ne sera ici - faute de place - que brièvement évoquée. Pour plus d’information sur ce registre comme pour les données sociographiques, voir notre contribution : « Expérience privée, appartenance communautaire et engagement public ». In Jacques Ion et Michel Peroni (dir.), Engagement public et exposition de la personne. La Tour d’Aigues : Éditions de l’Aube, 1997, p. 85-97.


Citer cet article :
Abdelhafid Hammouche, «  Le débat sur la torture durant la guerre d’Algérie et l’engagement associatif comme indices d’une régénération de l’espace public (2000-2005)  », colloque Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l’histoire franco-algérienne, 20-22 juin 2006, Lyon, ENS LSH, 2007, http://ens-web3.ens-lsh.fr/colloques/france-algerie/communication.php3?id_article=242