ENS LSH - Colloque - Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne

Pour une histoire critique et citoyenne
Le cas de l’histoire franco-algérienne

20, 21, 22 juin 2006


HOUSE Jim et MAC MASTER Neil

Université de Leeds (Grande-Bretagne)

Bilan du 17 octobre 1961

Session thématique « Résistances anticoloniales et nationalisme : 1954-1962 »

Mercredi 21 juin 2006 - Après-midi - 14h00-16h00 - Amphithéâtre

Le travail présenté ici est issu d’une collaboration entre les deux auteurs pour un ouvrage sur le 17 octobre 1961, intitulé Paris 1961 : Algerians, State Terror, and Memory[1]. Cette étude tourne autour de trois questions principales : comment expliquer la violence d’octobre 1961 dans la longue durée ; comment expliquer la marginalisation sociale et politique de cette violence pendant les nombreuses années suivant les événements ; comment expliquer les résurgences mémorielles, les formes qu’elles ont prises, et les significations politiques et sociales que de telles résurgences ont revêtues depuis les années 1970. Pour résumer, l’étude analyse à la fois la chaîne des causalités et les représentations mémorielles ultérieures de l’événement. Il ne s’agit pas ici de résumer l’ensemble de notre travail mais d’en expliquer l’approche, de soulever certaines questions posées par l’étude et de suggérer quelques pistes de recherche à venir.

Il s’agit pour nous de sortir de la « fascination » de la question du nombre des victimes des violences du 17 au 20 octobre - sans pour autant ignorer cette question - qui a marqué les ouvrages respectifs de Jean-Luc Einaudi - approche maximaliste - et de Jean-Paul Brunet - approche minimaliste - qui ont constitué une sorte de première étape de la recherche sur octobre 1961[2]. Cette approche a trop circonscrit le type de questions que l’on peut poser à ses sources tant écrites qu’orales. Il faudrait peut-être sortir de l’idée que l’ouverture de nouvelles archives publiques sur la question pourrait éclairer davantage le « bilan humain » d’octobre 1961. En revanche, les archives publiques en disent long sur le système répressif et les stratégies d’occultation mises en place, comme on le verra.

Tout comme Alain Dewerpe dans son ouvrage sur Charonne[3], nous avons conçu l’étude sur octobre 1961 comme point de départ par rapport à une interrogation plus large - en amont et, ensuite, en aval de l’événement - que les études antérieures sur octobre 1961, sans pour autant éviter une analyse détaillée de la conjoncture spécifique dans laquelle s’est déroulé l’événement lui-même. Le titre principal de l’ouvrage - Paris 1961 - indique la manière dont la violence de la semaine du 17 au 20 octobre s’insère dans un contexte de répression beaucoup plus long, dont l’aspect paroxystique s’est étalé sur les mois de septembre et d’octobre 1961 pour culminer le 17 octobre.

Généalogie de la répression : les liens entre colonie et métropole

Pour comprendre le pourquoi de l’événement, sa causalité - question première et essentielle - il faut aller en amont, le situer dans son contexte. En effet, nous sommes partis de l’idée qu’il convenait d’étudier la répression violente des manifestations nationalistes du 17 octobre 1961 comme paroxysme d’une violence antinationaliste et plus largement anti-algérienne érigée en « système de terreur d’État ». Ce système était devenu invivable pour les Algériens en région parisienne et compromettait sérieusement les activités de la Fédération de France du Front de Libération nationale (FF-FLN). Il nous a fallu donc étudier à la fois la généalogie et les modalités de ce système rationalisé du pouvoir colonial à travers plusieurs chronologies qui sont souvent liées et qui dépassent le seul cadre métropolitain.

La colonie

En effet, l’un des aspects majeurs de ce dispositif répressif à Paris était bien évidemment l’influence de modèles répressifs conçus ailleurs. Car il y avait bien une dialectique entre la colonie et la métropole à l’œuvre, comme nous le suggèrent Ann Laura Stoler et Frederick Cooper dans Tensions of Empire[4]. Selon cette optique, colonie et métropole ne formeraient pas deux espaces radicalement distincts mais des espaces liés dont il s’agit d’examiner les lieux, les thèmes et les modes d’articulation, de conflits et de transferts (personnel administratif et militaire, gouvernance et savoir-faire opérationnel, idées, migrants coloniaux). Soulignons en passant que cette approche, qui s’est développée dans l’historiographie postcoloniale anglophone des années 1990, ne se limite pas à une étude des formes ouvertement répressives de la gouvernance coloniale, mais englobe également bien d’autres domaines comme la politique sociale et éducative, ou l’urbanisme[5]. Pour ce faire, il a fallu étudier les transferts de techniques, d’idées et de personnel entre différents contextes coloniaux, notamment entre l’Algérie et la France. À ce titre, le parcours d’un Maurice Papon ou d’un Raymond Montaner illustre bien d’autres trajectoires.

Pendant la guerre d’Algérie, on a affaire à un système répressif hybride en Algérie avec différents apports qui transforment un dispositif répressif déjà en place : les modalités de la lutte antinationaliste en Algérie s’enracinent dans la longue durée ; conquête, répression des formes de résistance organisées et des microrésistances[6]. Elles reposent sur une conception du colonisé comme corps d’exception[7] où la violence étatique contre la résistance anticoloniale est presque toujours disproportionnée et peut prendre la forme de représailles collectives[8].

Signalons ensuite la piste marocaine et la lutte contre la radicalisation du nationalisme marocain en milieu urbain, souvent en bidonville - par exemple à Casablanca. L’ethnologie est mise au service de cette lutte au sein des Affaires indigènes avant son transfert vers l’Algérie (idées, personnel). Ensuite, on voit l’influence - désormais mieux connue - de la piste indochinoise et son poids dans la conception de la guerre révolutionnaire, « guerre totale », lieu de rencontre entre violence coloniale et violence anticommuniste[9]. La tension entre réforme sociale et économique d’une part, et répression d’autre part, s’inscrit dans ce cadre. Ici, une comparaison entre différents contextes coloniaux - français et autres -s’impose, comparaison qui devrait remonter aux années 1930. On commence seulement à bien connaître la transmission internationale des « compétences » de la guerre révolutionnaire pendant et après la guerre d’Algérie[10]. D’autres études non comparatives et sur d’autres contextes comme le Kenya suggèrent pourtant des pistes de comparaison très utiles avec le cas algérien[11].

La colonie et la métropole

Cependant, le système de lutte contre le FLN mis en place à Paris à partir de 1958 qui va tenter d’imposer un contrôle total de la population algérienne ne saurait être identique à celui qui a été mis en place en Algérie. À ce titre, comme le rappelle l’historien africaniste Frederick Cooper[12], il faut interroger l’espace entre identité et similarité des formes de gouvernance coloniale entre colonie et métropole - la métropole étant un espace colonial d’un autre type. En effet, les différents éléments du dispositif - quasiment militaire (Service d’assistance technique aux Français musulmans d’Algérie, Force de police auxiliaire) ou social (Conseillers techniques aux affaires musulmanes[CTAM]) - doivent s’adapter au nouveau terrain parisien[13]. On peut ici identifier un certain nombre de décalages : décalage chronologique dans la mesure où le savoir-faire militaire et social - et sa combinaison - se renforce à Paris à la fin de la guerre ; l’expérience algérienne aurait été « exemplaire ». Toutefois, cette répression s’exerce aussi dans un contexte juridique différent[14], avec une opinion publique un peu moins indifférente, comme Papon l’a bien compris, d’où son besoin à Paris d’« entourer de quelque discrétion nos opérations »[15]. À l’avenir, les études devront s’étendre au-delà de la seule région parisienne.

Pourtant, soulignons que, sur ce plan, l’État est loin d’être monolithique : la tension entre les logiques de réforme et de répression qui se voudraient complémentaires mais se sont révélées contradictoires, suscite de nombreux conflits internes, par exemple entre Michel Massenet, Nafissa Sid Cara et quelques conseillers techniques aux Affaires musulmanes d’une part[16], et la Préfecture de police de Paris d’autre part. La répression du 17 octobre 1961 ne fait que confirmer et augmenter ces tensions qui, souvent, existaient de longue date. Par ailleurs, soulignons aussi les tensions entre Edmond Michelet et Michel Debré, entre le Parquet de Paris et la police judiciaire, et au sein même de la Préfecture de police.

Ce que l’on voit après 1958, c’est une rencontre plus affirmée, du côté policier, entre l’anticommunisme et la répression coloniale antinationaliste qui existait déjà sous le Préfet Baylot (1951-1954). Il faudrait aller plus loin dans notre compréhension de la manière dont les luttes de décolonisation ont provoqué une rencontre de ces deux éléments dans un contexte politique inédit : la jonction entre la lutte anticommuniste et antinationaliste algérienne existait bien déjà dans les années 1930[17].

Toutefois, tout ne commence pas en situation coloniale : comme le montre Alain Dewerpe[18], les conceptions de stratégie et de tactique policières lors des manifestations de rue datent de la IIIe République et se voient reconfigurées dans le contexte de la fin de la guerre d’Algérie. Selon cette explication, tout massacre - de manière générique - n’est pas planifié en tant que tel mais reste toujours possible, peu importe le régime politique - démocratique ou non -, compte tenu des techniques et unités policières déployées, leur attitude envers les manifestants, et les rapports entre fonctionnaires et politiques[19].

Autre élément important ici, c’est la continuité du savoir-faire administratif depuis les années 1930 et 1940, notamment au niveau du transfert des compétences sur le fichage de certains groupes (Nord-Africains et Juifs). Enfin, la dynamique très conflictuelle à la Préfecture de police que révèlent les comptes de réunions du Syndicat général de la police (SGP), remonte à l’épuration des officiers collaborateurs dans l’après-guerre et, ensuite, à l’épuration des policiers communistes sous le Préfet Baylot. Pour résumer, le système répressif en métropole est lui-même hybride : l’historien se doit d’isoler ces différentes racines et ensuite de montrer leur convergence.

Occultation officielle

Un dispositif éprouvé

Le système répressif déploie un dispositif d’occultation, notamment en matière des responsabilités policières, administratives et politiques. Ayant étudié pour notre ouvrage plusieurs cas de figure (Place de la Nation juillet 1953, le 17 octobre 1961, le 19 décembre 1961 et Charonne), et lecture faite de l’ouvrage d’Alain Dewerpe précité, on peut formuler l’hypothèse selon laquelle il existait un ensemble de pratiques administratives d’occultation qui forment un répertoire dans lequel puisent la Préfecture de police et le gouvernement après chaque tuerie à partir du début des années 1950, tout en s’inspirant d’autres exemples, comme celui de Sétif en 1945. Dans ce répertoire on trouve ainsi : l’ouverture d’une information judiciaire contre X ou d’une commission d’enquête pour créer une diversion et empêcher la divulgation d’informations détaillées à la presse ; notons aussi, par exemple, que Papon porte plainte non pas contre le document de l’Union régionale parisienne - Confédération française des travailleurs chrétiens (URP-CFTC) Face à la répression qui est trop précis et bien argumenté mais sur le texte Un groupe de policiers républicains déclare, qui contient des inexactitudes[20] ; signalons aussi le prolongement des enquêtes judiciaires, tactique qui anticipe sur des amnisties qui vont aboutir à des non-lieux ; enfin, la destruction de documents compromettants - quand de tels documents ont existé -, qui fait que, comme l’a remarqué Alain Dewerpe, plus on monte dans la hiérarchie politique, plus le nombre de documents manquants est élevé[21]. On voit également la diffusion de versions mensongères à tous les échelons de la police et du gouvernement pour manipuler l’opinion publique ; la censure des publications de gauche et de symboles de protestation - par exemple de graffiti - et la criminalisation de la protestation qui incite à l’autocensure journalistique ou militante ; une stratégie de communication - comme l’on dirait aujourd’hui - extrêmement réussie comme lors des manifestations de femmes algériennes du 20 octobre, ou de l’expulsion à Orly d’Algériens après le 17 octobre.

Il faudrait peut-être donc changer un peu d’approche dans la manière dont l’historien aborde de telles archives officielles - policières et ou judiciaires : les interroger non pas tant pour se demander « ce qui s’est réellement passé », mais pour se demander comment s’est construit et propagé un discours d’autorité relayé par le gouvernement, les parlementaires de droite et une bonne partie de la presse[22].

Cette approche ouvrirait un champ d’étude capable d’inclure Charonne et le 17 octobre comme « journées » d’une crise de fin de guerre, et l’occultation des responsabilités. Un tel chantier comparatiste sur les massacres, déjà en cours mais pour d’autres contextes historiques[23], pourrait s’atteler à bien d’autres cas de violence de l’État colonial français, sans perdre de vue la singularité de l’événement à chaque fois.

Les séquelles

Ces différentes stratégies de déni, d’informations partielles et partiales et tentatives de manipulation de l’opinion, cherchent à limiter et influencer ce qui se sait, faciliter l’oubli, et imposer le silence ; bref, elles ont joué à la fois à l’époque et depuis, un rôle important dans la marginalisation d’octobre 1961, et la canalisation du regard militant et/ou historien porté sur les événements.

Dernière remarque ici sur le système répressif et son héritage : l’influence des transferts du personnel des colonies jusqu’en métropole s’est fait sentir bien après la fin de la guerre d’indépendance algérienne[24]. Cependant, les effets de cette politique de recasement des fonctionnaires, analysés par Herman Lebovics pour le tout nouveau ministère de la Culture[25], reste relativement inexplorés dans d’autres domaines - par exemple la police, l’action sociale, et l’implication de tels fonctionnaires dans la surveillance et la résorption des bidonvilles métropolitains. Ici, encore une fois, une comparaison s’imposerait avec d’autres contextes de décolonisation, britannique et portugais notamment.

Notons cependant que notre étude s’est heurtée à des zones d’ombre pour certains acteurs beaucoup plus que pour d’autres. C’est le cas tout d’abord pour la stratégie gaullienne de sortie du conflit. Cette question ne se limite pas au seul 17 octobre, bien évidemment, mais en fournit le cadre politique essentiel. Il reste à creuser plus loin les tensions entre Debré et De Gaulle, et la décision gouvernementale d’augmenter encore plus la répression antinationaliste à partir de l’été 1961[26]. La question des responsabilités politiques de ce massacre reste posée. Ici, il faudrait creuser plus loin la marge d’autonomie relative de la Préfecture de police surtout à la fin de la guerre d’Algérie. Autres zones d’ombre qu’on peut seulement mentionner dans une courte intervention : le rôle précis joué par l’OAS et ses complicités et dans la police et dans les instances du pouvoir politique ; le rôle respectif du Front algérien d’action démocratique et du Service action.

Le rôle des acteurs non institutionnels

Avec le 17 octobre on n’a pas uniquement affaire à un massacre comme aboutissement logique d’un système répressif dont il s’agit d’analyser la genèse et le fonctionnement. L’État ici est loin d’être le seul acteur et n’épuise donc pas le regard historien. On a affaire à un massacre dans un contexte de crise de fin de guerre à dimensions multiples qu’il s’agit d’analyser chacune à son tour. À travers le croisement des sources, l’important ici était de passer à l’intérieur de chacun de ces groupes ou mouvements - surtout ici la Fédération de France du FLN, la gauche politique et syndicale, et la gauche anticoloniale radicale -, afin de mieux voir à quel point cette fin de guerre a cristallisé et/ou recomposé des dynamiques et tensions qui, souvent, existaient déjà de longue date. En même temps, on est parti du principe que les tensions en place à l’époque en disaient long sur l’impact politique et social d’octobre 1961 et, plus en aval, sur les aspects mémoriels.

Le nationalisme algérien

On savait déjà que l’organisation des manifestations du 17 octobre 1961 devait se comprendre dans la dialectique entre Cologne et Tunis, et entre Cologne et Paris. Dans un article[27], nous avons essayé d’aller plus loin pour examiner la dynamique au sein des responsables en métropole dans une période de flottement organisationnel en raison du redécoupage des wilayas métropolitaines. La politique d’assassinat de policiers, qui a beaucoup joué dans l’exacerbation de la haine policière contre les Algériens, doit peut-être se comprendre dans le contexte d’une plus grande autonomie opérationnelle des groupes armés du FLN. Des travaux sont désormais en cours qui devront répondre aux lacunes existantes dans la connaissance du fonctionnement de la Fédération de France[28], même si l’éparpillement des archives privées sur la FF-FLN rend la tâche difficile. Par ailleurs, les acteurs - et actrices - principaux des réseaux de soutien au FLN en 1961 - indispensables à l’organisation des manifestations d’octobre 1961 - n’ont pas reçu l’attention qu’ils méritent pour des raisons très complexes.

En aval du 17 octobre, il faudrait des études plus fouillées sur la position du GARA après la répression, et les circonstances dans lesquelles au moins deux publications sur le 17 octobre ont été supprimées - ou soumises à une diffusion extrêmement restreinte -[29], la marginalisation politique de la Fédération de France en 1962, et la mise en place et le fonctionnement de l’Amicale des Algériens pour les années 1960 et 1970.

Comme pour le système répressif français, les modalités d’organisation, de reproduction d’une position hégémonique du FLN dans et sur l’immigration algérienne ne sont pas identiques à celles existant en Algérie. La dialectique qui existe entre formes de contrôle nationalistes et formes de répression et contrôle étatiques françaises reste à développer. On a besoin d’une étude plus poussée sur les formes de contrôle du nationalisme algérien sur sa propre population[30] et sur la manière dont ce contrôle était vécu par les Algériens de base. Plus généralement, en dehors des différents niveaux de l’organisation pyramidale de la FF-FLN, il reste à explorer l’identification nationaliste des émigrés et le contexte bien particulier de cette identification décalée par rapport à l’Algérie : comment la comparer à la diaspora nationaliste en Tunisie, par exemple ? Se sentir Algérien en France, militer en tant qu’Algérien nationaliste en France, était-ce la même chose qu’en Algérie ? Quelles différences, quelles similitudes ? Comment se sont jouées les microrésistances dans les quartiers, les bidonvilles[31] ? Comment cette résistance s’est-elle construite en fonction du genre des acteurs ? Quel a été le rôle des femmes algériennes en France en dehors des manifestations de rue, désormais mieux connues ? Un projet d’histoire orale qui partirait des idées d’Abdelmalek Sayad selon lesquelles il faudrait reconstituer les trajectoires migratoires, ce qui rendrait ainsi compte des raisons d’émigration - raisons politiques, économiques, personnelles -, pourrait montrer la vision comparatiste développée par les Algériens eux-mêmes sur leur vie en France par rapport à celle en Algérie[32].

À gauche éclatée, réactions éclatées

Autre dimension essentielle en amont et en aval de l’événement, le paysage politique et syndical à gauche. Pour expliquer la nature des réactions de cette gauche après le 17 octobre, question sensible s’il en est, il a fallu étudier, toujours dans la longue durée, l’histoire parfois conflictuelle, certes tendue entre le ou les nationalisme(s) algérien(s) et la gauche communiste et non communiste, et les rapports entre la gauche « respectueuse » et « irrespectueuse », pour reprendre la terminologie de Marcel Péju[33]. Ces différents rapports de force aident à expliquer la faiblesse relative de cette gauche « irrespectueuse » et la banalisation de la violence anti-algérienne en région parisienne au cours des années de la guerre, la marginalisation politique des Algériens le 17 octobre 1961, et le niveau et la nature des réactions après le 17 octobre qui ont eu un impact certain sur le paysage mémoriel de l’événement.

Notre étude a voulu dégager - ici grâce aux archives syndicales - les tensions entre communistes et non-communistes, mais aussi, pour la CFTC, entre la région parisienne et sa confédération. Le cas de figure à la CFTC est, comme on le sait, celui d’une confédération en retrait par rapport aux positions de l’URP-CFTC et, à travers les archives, on voit à quel point ce rapport de forces finit par compromettre les tentatives de réponse d’envergure après le 17 octobre chez un Robert Duvivier ou un Claude Bouret[34]. En effet, on constate combien les tensions nées de la guerre froide entre blocs communiste et non-communiste - de gauche - ont joué sur les possibilités d’une mobilisation unitaire contre la répression - avant et après le 17 octobre -, et ont encouragé l’aspect concurrentiel des réactions très éclatées et étalées sur le temps qui ont eu lieu[35], et leur registre défensif, largement antifasciste. Ici, en effet, le récit de la guerre froide rencontre celui de la décolonisation, tout en empruntant au discours antifasciste bien enraciné mais qui présente les Algériens manifestants du 17 octobre plus comme des victimes que comme des acteurs politiques. Cette articulation à gauche entre décolonisation et guerre froide mérite une étude plus poussée, tout comme une étude comparative plus large entre les positions respectives des gauches française, britannique et portugaise - par exemple - face à la répression coloniale lors des luttes de décolonisation.

Tout en analysant l’impact de l’événement 17 octobre 1961 sur le court terme - les semaines suivant le massacre -, on a voulu aller plus loin en aval pour examiner les recompositions politiques à gauche - syndicats et partis politiques - dans les mois qui séparent octobre-novembre 1961 de Charonne[36]. Il a fallu étudier les continuités - violences policières et OAS - et le front antifasciste que de telles violences favorisent, qui font que le paysage politique à gauche en février 1962, même s’il reste des difficultés qui minent l’action unitaire, est certes moins éclaté qu’en octobre 1961. Sur ce plan, la disparition du 17 octobre dans le discours de la gauche modérée, si elle n’est pas totale, est tout de même largement accomplie dès novembre 1961. Voici tout un ensemble de facteurs ayant contribué à la marginalisation politique et sociale d’octobre 1961.

L’opinion publique

Les archives syndicales, en particulier celles de la CFTC - confédérales et régionales - sont également très riches pour une étude de l’opinion publique non-communiste. L’approche que nous avons adoptée à l’égard de l’opinion publique, tout comme pour les autres aspects d’octobre 1961 déjà énumérés, était d’ériger la construction de l’indifférence, voire l’hostilité à l’égard des Algériens dans l’opinion métropolitaine majoritaire comme objet d’histoire en suivant, dans la longue durée, des processus de déshumanisation engendrés et portés par la colonisation que la guerre a exacerbés : cette longue et moyenne durée s’articule avec d’autres facteurs plus conjoncturels, comme la politique d’assassinat des policiers, pour aboutir à une opinion publique métropolitaine polarisée entre minorité solidaire et majorité silencieuse, voire ouvertement hostile et favorable à la répression. On est parti d’une interrogation sur ce qui rendait l’opinion publique peu susceptible de réagir après le 17 octobre ou de s’identifier aux Algériens - c’est-à-dire ici de s’imaginer à leur place - et de considérer l’événement - et donc les Algériens tués - comme peu digne de mémoire. Ici, le contraste avec Charonne est saisissant : comme le montre Alain Dewerpe, les Français peuvent s’identifier avec des victimes sur les plans politique et social, voire ethnique[37]. Mais on a voulu également expliquer chez certains Français métropolitains le pourquoi et le comment d’un engagement politique ou d’une action humanitaire qui refusait cette hostilité et qui a fait de ces individus minoritaires des porteurs de mémoire essentiels en France du massacre.

Faire l’histoire de la mémoire

On peut identifier différents porteurs de la mémoire d’octobre 1961 : les anciens manifestants et plus généralement les Algériens en région parisienne en 1961 ; à partir de 1968, l’État algérien ; les soutiens français au FLN et la gauche anticoloniale radicale ; la gauche modérée ; les descendants d’immigrés algériens à partir des années 1980 en particulier. Pour chaque groupe, ces mémoires revêtent une signification différente, tout comme, à l’intérieur de chaque groupe, le souvenir dépend de son parcours personnel. Comme pour l’étude de l’événement lui-même, il s’agissait de montrer la multiplicité des logiques des acteurs dans un contexte de mémoires de guerres, mémoires militantes et mémoires migrantes. Ici, je voudrais m’attarder un peu sur les liens entre ces trois termes.

Les Algériens

De nombreuses études ont retracé les transformations du paysage mémoriel d’octobre 1961, mais parfois selon un récit un peu convenu et réducteur qui regrettait le silence relatif sur l’événement pendant les années 1960 et 1970 et commençait l’étude détaillée dans les années 1980, voire 1990[38]. C’était imposer une lecture qui risquait de perdre de vue la dynamique propre de l’émigration/l’immigration algérienne[39] sur la longue durée depuis 1961, et de privilégier certaines dates clés de ce retour de mémoire sur d’autres.

En même temps que le paysage mémoriel récent, on a donc voulu enquêter sur une période moins connue, celle qui va jusqu’au début des années 1980, date à partir de laquelle l’action associative des descendants d’immigrés algériens, à côté des soutiens anticolonialistes, va prendre en charge la représentation du 17 octobre. Ce silence relatif des années 1960 et 1970 est plus complexe qu’il n’y paraît de premier abord[40]. Il est brisé dans certains contextes associatifs et militants donnés dans l’après Mai 68 - comme chez le Mouvement des travailleurs arabes -, mais de tels exemples sont peu audibles pour la société française dominante et n’apparaissent pas souvent dans les études sur l’histoire de la mémoire du 17 octobre.

Autre phénomène à signaler, c’est que les demandes de reconnaissance symbolique que peuvent exprimer les Algériens acteurs d’octobre 1961 s’adressent autant à l’État algérien qu’à l’État français. Par exemple, certains anciens responsables et militants de la Fédération de France du FLN sont toujours en quête de reconnaissance du rôle de leur Fédération pendant la guerre.

D’autres militants algériens dans l’« espace transpolitique »[41] de la diaspora algérienne interpellent les deux États en mettant en parallèle répression coloniale et répression de l’État algérien indépendant.

Pour faire cette étude sur les années 1960 et 1970, temps de la mémoire largement « souterraine » d’octobre 1961[42], on est parti de l’idée que, comme la mémoire, le silence - social ou individuel - était aussi objet d’histoire, tout comme les liens entre silence individuel et social, et les différents niveaux et contextes de sortie du silence qui sont offerts aux individus (famille, quartier, association, niveau national, etc.). On a interviewé des Algériens ayant longtemps gardé le silence sur ce qu’ils avaient vécu en octobre 1961 pour mieux comprendre ce silence notamment dans un contexte familial qui, pour certains, a duré jusqu’à il y a quelques années, même si ces individus avaient parlé d’octobre 1961 dans un contexte associatif voire médiatique avant de l’avoir abordé dans un cadre familial. De cet échantillon passionnant s’est dégagée une dialectique complexe entre choix et imposition sociale et politique du silence dans un contexte peu propice au témoignage.

Que disent ces Algériens sur les années 1960 et 1970 ? Qu’ils n’auraient pas été écoutés même s’ils avaient voulu en parler : qu’il n’y avait presque aucune prise en charge mémorielle en dehors de l’Amicale ; qu’ils avaient peur d’en parler ; qu’ils ont voulu se consacrer à l’amélioration de leurs conditions socio-économiques ; qu’ils ne voulaient pas compromettre l’avenir de leurs enfants en France en leur racontant ce qu’ils avaient vécu. On voit bien ici qu’on a affaire à des mémoires de guerre mais dans un contexte d’émigration/immigration. Certains de ces facteurs restent très probablement en place, vu le nombre très limité d’Algériens qui ont témoigné publiquement de ce qu’ils ont vécu à Paris en octobre 1961 : prenons à titre d’exemple l’inégalité très frappante entre le nombre de témoins français et algériens dans la plupart des films documentaires sur le 17 octobre 1961 avant ces dernières années[43].

Ici, des études comparatives s’imposeraient sur d’autres porteurs de mémoire de la guerre d’Algérie - et d’autres guerres -, sans nier les spécificités de notre groupe. D’autres contextes politiques viennent à l’esprit, comme la mémoire des violences en Argentine pendant la « sale guerre »[44]. Les différents travaux sur le témoignage d’Annette Wieviorka[45], de Michael Pollak[46], et plus généralement sur la mémoire du génocide nazi[47], devraient nous renseigner davantage sur les conditions de possibilité de la communication individuelle ou collective d’une souffrance en fonction du contexte politique et social. En effet, on a besoin d’un recours plus systématique à l’histoire orale malgré toutes les difficultés pratiques de la construction d’un échantillon important dans ce cas-limite de la marginalisation politique et ou culturelle. Une telle démarche est d’autant plus nécessaire que, jusqu’à la fin des années 1990, les témoignages oraux d’Algériens étaient souvent sollicités dans un souci militant, pour fournir des preuves et aider la contre-expertise, face au déni officiel français.

Maintenant que la répression d’octobre 1961 est plus difficile à nier, le rôle des témoignages peut s’élargir et, d’une certaine manière, changer de statut. De tels témoignages aident à mieux comprendre l’expérience vécue[48] des Algériens à Paris en 1961 : cette tendance participe à un processus de complexification des représentations de l’événement et de sa contextualisation auquel on assiste depuis la fin des années 1990. En effet, on assiste depuis 1998 à une démultiplication des projets mémoriels, individuels et collectifs, associatifs et parfois scolaires dans le contexte d’une médiatisation et socialisation importante d’octobre 1961 dans l’espace public français. On peut parler d’une transformation quantitative et qualitative du travail de mémoire depuis huit ans. La place des femmes dans ce travail de mémoire, individuel ou collectif, est importante mais peu étudiée.

L’impact de ces processus se reflète dans une demande de mémoire chez les enfants et petits-enfants de ceux et celles ayant vécu l’événement. Il se voit également dans la création d’associations et des demandes de reconnaissance au niveau municipal qui peuvent reproduire, en miniature, les « batailles de mémoire » autour de la guerre d’Algérie au niveau national français[49].

Les aspects (inter-)générationnels

Signalons l’importance de l’aspect générationnel de telles tendances. Côté algérien, on a affaire à plusieurs générations et/ou microgénérations : ceux qui ont vécu octobre 1961 comme adultes ; ceux qui l’ont vécu comme adolescents ou enfants ; ensuite ceux qui ont une « mémoire empruntée » de l’événement, comme disait Maurice Halbwachs[50] - une mémoire apprise ou transmise à travers divers vecteurs. Parmi les descendants d’Algériens qui sont des militants de la mémoire, il y a désormais plusieurs microgénérations, dont la plus âgée est composée de ceux qui étaient souvent enfants ou adolescents en 1961. Il y a, comme le dit Anne Donadey[51], une sorte d’« interdépendance » entre les générations autour de la mémoire d’octobre 1961 : les descendants ont impulsé la mémoire publique de cette violence mais ont besoin de la participation de ceux et celles qui l’ont vécue. Le travail de mémoire ne se fait donc pas à sens unique. La complexité et la richesse intergénérationnelles de cette mémoire ne cessent d’augmenter.

Le militantisme mémoriel autour du 17 octobre 1961 s’est construit, en partie, pour s’opposer au silence relatif sur le 17 octobre dans la société française en général mais aussi en raison des problèmes de transmission de la mémoire au sein des Algériens de France et leurs descendants - les deux phénomènes étant liés, comme on vient de le voir. Cette mémoire largement non-expérientielle d’octobre 1961 chez les descendants d’immigrés algériens, mémoire transmise ou apprise souvent bien après l’événement, et parce qu’elle intervient - et qu’on la mobilise - dans un autre contexte politique et social - celui d’aujourd’hui -, poserait problème : pour certains, la mobilisation du 17 octobre 1961 dans des campagnes contre le racisme postcolonial pourrait mener à une lecture décontextualisée du passé et à des phénomènes de victimisation, voire d’ethnicisation et ferait partie ainsi d’une mémoire manipulée, comme l’appelle Paul Ricœur[52].

Quelle est la place de l’historien ici ? Tout d’abord, son rôle est de dénoncer des manipulations là où elles existent et de quelque côté politique qu’elles viennent. Par exemple, toute démarche politique qui ne représenterait les Algériens d’octobre 1961 que comme victimes reviendrait à perdre de vue leur rôle d’acteurs politiques en 1961. Par ailleurs, l’historien est là pour expliquer et interroger cet espace qui existe entre similarité et identité entre le passé et le présent.

Mais la démarche de l’historien, à l’appui des recherches en sociologie et sciences politiques, serait aussi d’examiner les raisons pour lesquelles de tels réinvestissements symboliques sont possibles et comment et en quoi ils sont capables de parler à d’autres générations[53]. Comme l’a dit Marie-Claire Lavabre, il faut aussi interroger les conditions de possibilité pour que des représentations ultérieures d’un événement puissent réussir à constituer l’événement comme important socialement et politiquement parlant, et cela pour quel(s) groupe(s)[54]. C’est là une interrogation qui dépasse de loin le seul cas du 17 octobre. Sur ce plan, il n’est peut-être pas étonnant que le 17 octobre soit devenu une porte - parmi d’autres - à travers laquelle on accède à des interrogations, capitales, sur l’héritage colonial en France, c’est-à-dire l’ensemble des attitudes et pratiques qui a trouvé ses racines dans divers contextes coloniaux et dont une partie a survécu, en se modifiant, jusqu’à nos jours.

En France, le 17 octobre 1961 fait désormais partie du paysage historien et mémoriel de la guerre d’Algérie en métropole. L’événement s’enracine progressivement dans la conscience historique des Français. Il n’y a pas eu de passage direct de la mémoire à l’histoire, mais une démultiplication et une complexification du travail de mémoire en même temps que le champ historiographique s’est élargi et approfondi pour analyser la longue durée des pratiques répressives et de leurs mémoires multiples. Pourtant, ce regard historien à visée totalisante se doit de respecter la part d’inexplicabilité et d’incommunicabilité propre de toute violence et son souvenir[55].


[1] Jim House Jim et Neil Mac Master, Paris 1961 : Algerians, State Terror, and Memory. Oxford : Oxford University Press, 2006.

[2] Jean-Luc Einaudi, La bataille de Paris, 17 octobre 1961. Paris : Seuil, 1991 ; et id. Octobre à Paris : un massacre à Paris. Paris : Fayard, 2001. Jean-Paul Brunet, Police contre FLN : le drame d’octobre 1961. Paris : Flammarion, 1999 ; et id. Charonne. Lumières sur une tragédie. Paris : Flammarion, 2003.

[3] Alain Dewerpe, Charonne 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État. Paris : Gallimard, 2006.

[4] Ann Laura Stoler et Frederick Cooper, « Between metropole and colony : rethinking a research agenda ». In Ann Laura Stoler et Frederick Cooper (dir.), Tensions of Empire. Colonial Cultures in a Bourgeois World. Los Angeles-Londres : University of California Press, 1997, p. 1-56.

[5] Ann Laura Stoler, Race and the Education of Desire. Durham (Caroline du Nord) - Londres : Duke University Press, 1995; et id., Carnal Knowledge and Imperial Power. Race and the Intimate in Colonial Rule. Los Angeles-Londres : University of California Press, 2002. Alice Conklin, A Mission to Civilize : The Republican Idea of Empire in France and West Africa, 1895-1930. Stanford : Stanford University Press, 1997.

[6] Jean-Pierre Peyroulou, « Rétablir et maintenir l’ordre colonial : la police française et les Algériens en Algérie française de 1945 à 1962 ». In Mohammed Harbi et Benjamin Stora (dir.), La Guerre d’Algérie : 1954-2004, la fin de l’amnésie. Paris, 2004, p. 97-130. Olivier Le Cour Grandmaiso,. « Conquête de l’Algérie : la guerre totale ». In David El Kenz (dir.), Le Massacre, objet d’histoire. Paris : Gallimard, 2005, p. 253-274.

[7] Mohammed Barkat Sidi, Le corps d’exception : les artifices du pouvoir colonial et la destruction de la vie. Paris : Éditions Amsterdam, 2005.

[8] Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962. Paris : Gallimard, 2001.

[9] Paul Villatoux et Marie-Catherine Villatoux, La République et son armée face au « péril subversif ». Guerre et action psychologique, 1945-1960. Paris : Les Indes savantes, 2005.

[10] Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française. Paris : La Découverte, 2004.

[11] David Anderson, Histories of the Hanged : Britain’s Dirty War in Kenya and the End of Empire. Londres : Weidenfeld & Nicolson, 2005, p. 292-293. Caroline Elkins, Britain’s Gulag : The Brutal End of Empire in Kenya. Londres : Jonathan Cape, 2005.

[12] Frederick Cooper, « Conflict and connection : rethinking colonial african history ». American Historical Review, décembre 1994, vol. 99, n° 5, p. 1516-1546 et particulièrement p. 1521.

[13] Jim House et Neil Mac Master, op.cit. Voir aussi Linda Amiri, La bataille de France : la guerre d’Algérie en métropole. Paris : Laffont, 2004.

[14] Sylvie Thénault, Une drôle de justice : les magistrats dans la guerre d’Algérie. Paris : La Découverte, 2001, p. 299-309.

[15] Discours au Conseil général de la Seine, le 18 mars 1961 (Bulletin municipal officiel, 17 au 17 mars 1961, p. 132).

[16] Voir Jim House, « Contrôle, encadrement, surveillance et répression des migrations coloniales : une décolonisation difficile ». Bulletin de l’Institut d’histoire du temps présent. Premier semestre 2004, n° 83, p. 144-156.

[17] Emmanuel Blanchard, « La dissolution des Brigades nord-africaines de la Préfecture de police : la fin d’une police d’exception pour les Algériens de Paris (1944-1958) ? ». Bulletin de l’Institut d’histoire du temps présent. Premier semestre 2004, n° 83, p. 70-82. Neil Mac Master, Colonial Migrants and Racism : Algerians in France, 1900-1962. Basingstoke : Macmillan, 1997.

[18] Alain Dewerpe, op. cit.

[19] Voir aussi Olivier Fillieule, Stratégies de la rue : les manifestations en France. Paris : Presses de Sciences Po, 1997, p. 325-334.

[20] Voir Archives SGP-FO, compte rendu des Commissions administratives extraordinaires du 13 novembre (p. 14, 25-26) et 16 novembre 1961 (p. 2-3).

[21] Alain Dewerpe, op. cit., p. 643-644.

[22Ibid., p. 113-117.

[23] Mark Levene et Penny Roberts (dir.), The Massacre in History. Oxford : Berghahn, 1999. David El Kenz (dir.), op. cit.

[24] Alexis Spire, Étrangers à la carte : l’administration de l’immigration en France (1945-1975). Paris : Grasset, 2005.

[25] Herman Lebovics, Bringing the Empire Back Home : France in the Global Age. Durham (Caroline du Nord) - Londres : Duke University Press, 2004, p. 58-82.

[26] Brigitte Gaïti, « Les ratés de l’histoire : une manifestation sans suites. Le 17 octobre 1961 à Paris ». Sociétés contemporaines. 1994, nos 18-19, p. 11-37.

[27] Neil Mac Master et Jim House, « La Fédération de France du FLN et l’organisation du 17 octobre 1961 ». Vingtième siècle. Revue d’histoire. Juillet-septembre 2004, n° 83, p. 145-160.

[28] Voir la thèse en cours de Linda Amiri à l’Institut d’études politiques de Paris : La Fédération de France du FLN (1954-1962) : son organisation politico-administrative, ses groupes armés, son collectif d’avocats et ses réseaux de soutien.

[29] Il s’agit respectivement de la brochure intitulée Les Manifestations algériennes d’octobre 1961 et la répression colonialiste en France, publiée en décembre 1961 par le ministère de l’Information du GARA (voir l’exemplaire aux Archives de la Préfecture de police de Paris [APP], H1B35) ; et Les Algériens. Le 17 octobre, livre préparé par Marcel et Paulette Péju. Sur ce point, voir Gilles Manceron et Hassan Remaoun, D’une rive à l’autre : la guerre d’Algérie de la mémoire à l’histoire. Paris : Syros, 1993, p. 170.

[30] Benjamin Stora, Ils venaient d’Algérie : l’immigration algérienne en France, 1912-1992. Paris : Fayard, 1992, p. 335-355.

[31] Monique Hervo, Chroniques du bidonville : Nanterre en guerre d’Algérie, 1959-1962. Paris : Seuil, 2001.

[32] Abdelmalek Sayad, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité. Bruxelles : De Boeck Wesmael, 1991 ; et id., La double absence : des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré. Paris : Seuil, 1999.

[33] Marcel Péju, « Une gauche respectueuse ». Les Temps modernes. Avril-mai 1960, nos 169-170, p. 1512-1520.

[34] Voir Archives confédérales CFTC, 6 H 24, et Archives URP-CFTC, Carton 21.

[35] Patrice Mann, « Les manifestations dans la dynamique des conflits ». In Pierre Favre (dir.), La manifestation. Paris : Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, p. 281-302.

[36] Marc Heurgon, Histoire du PSU. La fondation et la guerre d’Algérie (1958-1962). Paris : La Découverte, 1994.

[37] Alain Dewerpe, op.cit., p. 425-466. Signalons aussi la différence très frappante entre la quantité, le style, le contenu et la forme des rapports internes des responsables FLN après les manifestations du 17 au 17 octobre 1961 (disponibles aux APP, H1B35) et la masse des déclarations à visées publiques, voire judiciaires, des militant(e)s après Charonne qu’analyse Alain Dewerpe (ibid., p. 376-386).

[38] Sur ce point, voir toutefois Joshua Cole, « Remembering the battle of Paris. 17 October 1961 in french and algerian memory », French Politics, Culture and Society. 2003, vol. XXI, n° 3, p. 21-50. Sylvie Thénault, « Le 17 octobre 1961 en question », Jean Jaurès Cahiers trimestriels. Juillet-septembre 1998, n° 148, p. 89-104.

[39] Ici ce double positionnement qu’indique Abdelmalek Sayad nous semble très pertinent. Voir A. Sayad, op.cit.

[40] Jim House, « Antiracist memories : the case of 17 october 1961 in historical perspective ». Modern and Contemporary France. Août 2001, vol. IX, n° 3, p. 355-368.

[41] Paul A. Silverstein, Algeria in France : Transpolitics, Race and Nation. Bloomington-Indianapolis : Indiana University Press, 2004.

[42] Pour reprendre le terme de Benjamin Stora pour décrire la manière dont la mémoire de la guerre d’Algérie est restée largement confinée à l’espace privé en France jusqu’aux années 1980. Benjamin Stora, « Guerre d’Algérie, France, la mémoire retrouvée ». Hommes et migrations. 1987, n° 1158, p. 10-14 et particulièrement p. 11.

[43] Le documentaire de Akika Ali, Les enfants d’octobre (2000), rompt avec cette tendance (film disponible au Forum des Images de Paris, cote VDP20998).

[44] Marguerite Feitlowitz, A Lexicon of Terror : Argentina and the Legacies of Torture. New York - Oxford : Oxford University Press, 1998.

[45] Annette Wieviorka, L’ère du témoin. Paris : Hachette, 2002.

[46] Michael Pollak, « La gestion de l’indicible ». Actes de la recherche en sciences sociales. 1986, nos 62-63, p. 30-53.

[47] Anna Reading, The Social Inheritance of the Holocaust. Gender, Culture and Memory. Basingstoke-Palgrave: Macmillan, 2002.

[48] Fanon Frantz, Peau noire, masques blancs. Paris : Seuil, 1975 (1re édition : 1952).

[49] Raphaëlle Branche, La guerre d’Algérie : une histoire apaisée ? Paris : Seuil, 2005.

[50] Maurice Halbwachs, La mémoire collective. Paris : Albin Michel, 1997 (1re édition : 1950).

[51] Anne Donadey, Recasting Postcolonialism : Women’s Writing between Worlds. Portsmouth (New Hampshire) : Heinemann, 2001, p. 32.

[52] Paul Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli. Paris : Seuil, 2000.

[53] James Fentress et Chris Wickham, Social Memory. Oxford : Blackwell, 1992, p. 117.

[54] Marie-Claire Lavabre, « Du poids et du choix du passé : lecture critique du Syndrome de Vichy ». In Denis Peschanski, Michael Pollak et Henry Rousso (dir.), Histoire politique et sciences sociales. Bruxelles : Éditions Complexe, 1991, p. 265-278 et particulièrement p. 268-269.

[55] Vincent Houillon, « Philosophie et politique du massacre : essai de déconstruction ». In David El Kenz (dir.), op. cit., p. 387-405.


Citer cet article :
Jim House et Neil Mac Master, «  Bilan du 17 octobre 1961  », colloque Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l’histoire franco-algérienne, 20-22 juin 2006, Lyon, ENS LSH, 2007, http://ens-web3.ens-lsh.fr/colloques/france-algerie/communication.php3?id_article=243